C'est avoir une routine.
C'est des gens que l'on croise à tous les jours, beau temps mauvais temps.
C'est la famille. Coûte que coûte.
Ce sont des moments où l'on se bidonne en regardant la télé, tard le soir.
C'est l'heure du thé. L'heure du thé à tout moment.
C'est l'attente d'un bus un brin en retard.
Ouais. C'est tout ça.
Et +++.
Ça fait quelques jours que je vis une douce routine ici. C'est ce que je voulais. C'est ce que je planifiais. Je ne me sens plus pressée de tout voir, de tout goûter. Je veux juste respirer au rythme turc pour encore quelques jours, avant d'aller m'endiabler les neurones dans la trépidente Istanbul, d'où je vous donnerai moins de nouvelles, du moins pendant une semaine.
Donc, le super plan, c'est de rester à Sakarya jusqu'au 2 juin. Le deux, je pars pour Istanbul retrouver des amis, dont un ami égyptien qui voyage avec un autre ami pour une méga scéance de magasinage, comme il fait à chaque année, et aussi (surtout) m'isoler pour écrire, ce que je n'ai pas fait depuis des siècles. Je me l'étais promis; je vais prendre le temps de le faire. Je resterai là-bas jusqu'au 8 juin, jour où ma belle petite Hend arrive du Caire sur Egyptair pour passer les derniers jours de mon aventure avec moi. Ça va passer follement vite ! Je suis déjà surprise qu'une semaine se soit écoulée depuis mon arrivée.
Depuis trois jours, je peux vous dire que je fais le "pacha" à l'appartment de mon amie, regardant la télé, sortant en fin de journée pour visiter des amis, etc.
Je vous avais parlé de ma visite à la faculté des Religions, jeudi dernier. Nous y sommes retournées, Özlem et moi, ce vendredi, pour obtenir les livres promis. Trois jeunes chercheuses en religion nous ont reçues. Les trois, habillées de vêtements traditionnels islamiques (voile, long manteau par dessus une jupe et un pantalon), nous ont offert un rafraîchissement dans leur bureau. Nous nous sommes mis à parler de tout et de rien, de leurs études, d'Istanbul, de choses de girls, d'où les trois provenaient, de leurs voyages, puisque les trois avaient peaufiné leur spécialité à l'étranger... L'une des filles était spécialisée en Études Juives, la deuxième en Psychologie des Religions et la troisième en Interprétation Coranique. Trois champs totalement différents, évidemment. L'une des filles, Merve, a particulièrement fraternisé avec moi, et comme elle savait que je retournais à Istanbul en fin de voyage avec mon amie égyptienne, elle m'a invitée à l'y rencontrer, histoire de faire un peu le tour des grandes mosquées de la rive asiatique d'Istanbul, rive que je ne connais à peu près pas. L'invitation est alléchante. Je crois que je vais l'accepter. Elle est charmante et souriante, et j'aimerais mieux la connaître.
En sortant de la faculté, vendredi, il était près de 17h, mais nous avions rendez-vous avec Nurdan pour une dernière bise avant son départ pour le mariage, à 20h. Özlem et moi avons donc décidé d'aller se promener dans un marché intérieur pour zyeuter la marchandise, puis d'aller s'écraser dans un café du centre-ville pour dévorer un Kumpir, la fameuse patate garnie turque, un fast food des plus prisés. Cihan, le cousin d'Özlem, est venu nous y retrouver. Il est professeur au primaire dans un village de la province, mais vient en ville les fins de semaines pour des fins d'études. Il est à la maîtrise. Le garçon est vraiment gentil. Je le connais depuis septembre et à chaque fois que je le vois j'apprécie beaucoup sa délicatesse et son sens de la courtoisie. Il vient donc nous retrouver, on se marre en turk-lish et Özlem lui laisse ses clés pour qu'il puisse se rendre à l'appartement. Il dormira dans le salon, cette fin de semaine, car c'est moi qui a la chambre d'invités. Özlem l'héberge tout le temps lorsqu'il est à Sakarya. C'est l'hospitalité turque.
Puis, on se rend chez Nurdan. Nurdan est fort heureuse de nous voir la binette. Elle se marie demain (samedi) et part pour Istanbul s'installer avec son mari dans le nouvel appartement de Pendik, sur la rive asiatique de la métropole. Nurdan semble nerveuse. Je lui demande si ça va et elle me raconte qu'elle est heureuse de se marier, mais inquiète pour la nuit de noces. Évidemment, tout ce qui touche aux relations intimes n'est pas vécu de la même façon, dans un pays plus conservateur et en Amérique. Nous, on a des acquis que les femmes ont ici seulement à la nuit de noces. Pas évident. On en parle donc un peu, à voix basse, elle, Özlem et moi. Je tente de faire de mon mieux pour lui confirmer certaines choses. Elle est soulagée de me parler. Ici, c'est un peu (beaucoup, à la folie) tabou, voyez-vous. J'ai l'impression d'être projetée vers une époque antérieure, soudainement. La sensation est étrange. Je suis comme une maman. Sauf que dans les faits, je n'en suis pas une. Je dois faire attention à ne pas trop donner de détails, car son mari pourrait penser qu'elle en sait trop et qu'elle n'est donc pas vierge. Mon petit côté féministe s'active; j'aime pas trop que des femmes soient laissées dans l'ignorance, comme si elles étaient stupides ou faibles. Cela dit, j'aime la douceur qui se dégage de cette conversation à trois. Il y a de l'espoir dans cette conversation. Et j'y crois. Je me rends compte d'une chose: chaque pays doit évoluer à son rythme. Si on pense faire de certains pays des clônes du nôtre, aussi bien abandonner tout de suite ! Les valeurs, même si elles semblent les mêmes, ne le sont pas toujours. Et on ne détient pas la vérité absolue, même si on le croit dur comme fer. La preuve: les manifs qui ne cessent pas, au Québec. Même chez nous, on doit changer des choses. Y'a pas juste au tiers-monde que ça fait dur.
Mon constat de la journée: Dieu merci, j'ai pas peur des gens ! Parce que j'en rencontre à la tonne, et certains sont terriblement enthousiastes à l'idée que je sois ici. Résultat: on m'invite partout, j'ai plein de nouveaux contacts facebook, j'ai des cadeaux, je bois du thé à n'en plus dormir, et je dois surtout me forcer le cul pour parler une langue terriblement ardue car ce ne sont pas les Turcs qui vont me parler dans la langue de Shakespeare. La plupart n'ont aucune connaissance des autres langues. Donc merci merci merci mon Dieu, je suis à l'aise avec le monde. :D
Qu'est-ce-que j'ai fait en fin de semaine ? J'ai végété. Agréablement végété. Samedi soir, j'ai trouvé un feed pour regarder Lucian se faire battre en 5 rounds (pas de détails, tout a été dit dans les médias) et j'ai aussi vu la finale de l'Eurovision à la tivi avec Cihan, Endam et mon couple d'amis. L'Eurovision, c'est un concours annuel de chant où chacun des 42 pays participants (presque tous de l'Europe, plus Israël) présente un candidat et les gens de toute l'Europe peuvent voter pour leur préféré. C'est interdit de voter pour son propre pays. Les numéros sont... disons-le, assez variés en talent et en qualité. Cette année, un pays se démarquait par... son audace : La Russie avec les Babuchkis (grand-mamans) chantantes.
http://www.youtube.com/watch?v=WKNRGc71hjc
Amusez-vous un peu à voir le numéro. Je vous laisse juger. Juste pour vous dire, les mamies ont terminé deuxième. C'est la zombie suédoise qui a gagné. La France, elle, avait misé sur la très connue Anghun pour son concours, mais s'est royalement planté car aucun pays n'a placé Anghun dans son top 10. Assez gênant !
J'ai aimé le numéro de la Roumanie, qui chantait en espagnol, bizarrement...
http://www.youtube.com/watch?v=uEwJrFmMxrg
On s'est fait une p'tit party "Eurovision" chez Özlem, avec toutes les cochonneries à bouffer possibles. C'était en Azerbaïdjan, cette année... Et étrangement, je comprenais leur langue ! J'ai dit à Alper: "Pourquoi les présentateurs parlent turc, en Azerbaïdjan?" Et lui de me répondre: "Non, c'est leur langue. Mais c'est une forme de turc. Comme en Ouzbékistan, au Turkménistan, etc. Si tu parles le turc, tu peux comprendre ces autres langues si tu te forces"...
Je peux vous affirmer qu'il disait vrai. J'ai compris tout le long l'Azri (l'Azerbaïdjanais). Là, pour une minute, je me suis trouvée cool de pouvoir comprendre ça. Mais bon, après je me suis dit que j'avais pas rapport avec ma fierté bidon. Une langue, c'est une langue. C'est juste de la communication. C'est de la mathématique avec une touche d'influence contextuelle... Moins qu'on pourrait le penser, d'ailleurs.
Endam, la nièce d'Alper, a 13 ans. Je la connais depuis septembre. Hier après-midi, bien avant le concours de l'Eurovision, Özlem travaillait et Alper et Cihan voulaient aller en ville dans un salon de Playstation. Je lui dis que je reste ici, mais il craint que je ne m'emmerde royalement. C'est mal me connaître, mais bon... Vingt minutes après son départ, ça sonne à la porte. Mon coeur passe à un battement près de s'arrêter. Je me dis: "J'espère que je sais c'est qui parce que sinon, avec mon turc de merde, j'ai pas fini de ramer". J'ouvre. C'est Endam. Il m'avait envoyé Endam pour passer l'après-midi avec moi. Elle était ma gardienne, en quelque sorte. Pas évident, par contre, de rester avec une jeune fille de 13 ans qui ne parle pas anglais. Mais ça s'est bien passé, car elle a bon coeur et elle est simple. On a donc écouté de la musique. Elle m'a fait jouer ses favoris: Justin Bieber, Demi Lovato, Michel Telo et Selena Gómez, et tiens, du Adele, pourquoi pas ! :) On a revisé sa pièce de théâtre ensemble, car elle a sa première représentation mercredi soir. On a regardé des revues.
Aujourd'hui, dimanche, c'est un tout autre jour. Nous sommes allées au Lac Poyrazlar pour faire un pique-nice de fin d'après-midi. Il faisait beau soleil, ce n'était pas trop chaud, et ici, en Turquie, les familles sont très unies, en général, et aiment passer du temps ensemble la fin de semaine. Les rives du lac étaient truffées de familles qui bouffaient au grand air. On riait, Özlem et moi, car on disait qu'Alper pouvait remplacer Charlie dans "Charlie et ses drôles de dames". On était cinq fille de 13 à 39 ans... et Alper. De la moins âgée à la plus âgée, il y avait Endam ,13 ans (la nièce d'Alper, fille de Meryem), Tügçe, 20 ans, (la soeur d'Endam), Özlem, moi, et finalement Gaye, la soeur de Alper, 39 ans. Ici, c'est la tante et l'oncle qui trainent les nièces. La maman des jeunes filles n'était pas là. Alper, dans le fond, est un jeune oncle. Il n'a que 29 ans. Les petites de Meryem le considèrent comme leur frère, carrément. Et lui s'en occupe beaucoup, surtout que Meryem, comme Gaye, est divorcée et le père est absent. Alper s'est donné un rôle. Il va au docteur avec les filles, il leur donne des lifts, il les chicane, il les caline comme des gamines, même si elles ne le sont plus vraiment. Et elles adorent carrément leur oncle. C'est un "mononcle à la page", Alper. Il l'a, l'affaire.
Bref, pour en revenir à notre escapade au lac, on aurait dit un sultan qui trainait son harem en vacances. La petite Ford Escort était chargée au max: quatre femelles en arrière, une des nièces en avant, et Alper qui chauffait. Un stuck à barbecue complet dans la valise (bouilloire, plaques à griller, bois pour faire un feu, les ustensiles, les verres, la viande, la liqueur, les jeux de société, etc.) On faisait une cute petite famille typique. Même moi dans le lot, j'avais l'air d'être de leur famille. D'ailleurs, même les nièces m'appellent Marie abla. Ça veut dire : Grande soeur Marie. C'est un signe de respect, et habituellement, c'est réservé à la famille. Je suis donc de la famille. :) Trop cool !
Au lac, c'était rempli de familles qui faisaient comme nous. Tout le monde grillait du poulet, de la saucisse à l'ail, préparait des salades, dégorgeait des aubergines sur le grill pour faire de l'aubergine à l'ail et au yogourt. Ça sentait très bon partout. Des oies erraient à à recherche d'un bout de pain. Des gens se promenaient en pédalo sur le lac. Ça jouait au frisbee. Nous, on jouait au okey. Les pique-niques, c'est partout pareil ! Qu'on soit à Central Park, au Parc Beauséjour ou au Lac Poyrazlar, on ne réinvente pas la roue.
Je trouve amusant de voir des femmes voilées... avec un pantalon sport adidas faire du pédalo avec leurs petites filles. On ne s'attend pas trop à ça, quand on pense "femmes voilées", du moins pour une fille comme moi qui n'en a pas vraiment plusieurs sous le nez à l'année longue. Assez cool comme image de femme voilée.
Ce fut une belle journée ! Comme d'habitude.
Je vous laisse avec quelques photos. Je ne suis pas dans le "très touristique", pour le moment. Je prends peu de photos, et c'est surtout des photos qui me parlent personnellement. Si vous les trouvez ennuyantes, je m'en excuse d'avance ! Elles ne sont pas dans l'ordre, c'est un "melting pot".
Bonne semaine à ceux qui bossent !
Bises xxxxx...
Mosquée du quartier d'Özlem et Alper. Elle est bâtie sur un mini centre d'achat.
Oie au Lac Poyrazlar
Özlem (missed), moi, Gaye (But/Goal) et Endam (stature). Dans les parenthèses, c'est la traduction de leur prénom.
De la crème glacée biologique ??? Possible... mais j'en doute.
Est-ce que ça pense, une oie ? Celle-çi semble en pleine réflexion.
Özlem et moi, au Lac
Nurdan et moi, à sa soirée de Henné, dans un de ses quatre costumes traditionnels
Superbe journée à errer à Sakarya. Les nuages sont magnifiques !
Un couple ??? :)
Une rose rouge flamboyante! C'est le temps des fleurs !
Tuğçe (20 ans), Endam (13 ans) et leur tante Gaye
Nurdan, belle comme un coeur à sa soirée de Henné
Ce qui pend au miroir de la Ford d'Alper: Une protection contre le mauvais oeil, évidemment !
La nièce et la tante en train de préparer le jeu de okey
Mon amie Emel, posant dans les confortables fauteuils de la nouvelle école
de mon ami Emre: Gotta Talk!
Deux petites filles allergiques au soleil. La maman m'a donné la permission de les poser, car je les trouvais absolument originales, les cocottes !
Soirée "Glamour" à Erenler, pour la nuit de Henné
Nurdan, resplandissante à sa soirée de Henné, dans un autre costume
Non, mais des tomates rouges de même, je croyais pas que ça existait !!
Pis elles goûtent exactement ce dont elles ont l'air.
Vous voulez de l'huile d'olive ? Quelle sorte ?
La nature, telle que je l'aime... et un ballon perdu !
Tsé, y'existe pas juste une sorte d'olive noire...
Y'en a vraiment beaucoup... Pis ici, ça se vend au kilo !
On est dans un pays où ça mange encore des fruits.
Résultat: les présentoires débordent ! C'est absolument délirant pour les sens!
Mélanie, y'a pas juste toi qui capote sur les oies quand t'es en vacances ! Moi aussi !
Les deux nièces sur le quai. Je les trouve superbes.
"Oui, je sais starter un feu"
Cadeau reçu à la soirée de Henné. Ce sont des noix et autres graines séchées.
Ici, ça remplace les chips, qui sont bien moins populairesque le maïs séché et les
graines de tournesol, véritables institutions des snacks de fin de soirée !
Non mais quel contraste : Le foulard mais les chaussures décadantes avec la pédicure française !
Özlem, qui prépare un "gözleme", un feuilleté de filo farcie au fromage, dans le p'tit resto de Gaye.
Une mosquée près du Ilahiyat Fakültesi.
Scène de la vie quotidienne avec la corde à linge juste à côté.
C'est beau Marie-Eve et celà est plaisant de vivre le quotidien de ces gens......tu dois sûrement aimé!
RépondreSupprimerPrendre des photos du marché est aussi réconfortant.......celà donne le goût d`en manger!
Bye et grosses bises!
maman xxx
Merci Marie¸`Eve pour ces mots, ces photos, ces impressions!
RépondreSupprimerAndré xxx