vendredi 6 février 2015

Balbutiements de vacances en terre d'Égypte

Je suis arrivée au Caire le 4 février.
Il faisait 20 degrés celsius, en fin d'après-midi.
Pour une fois, mon vol avec Egyptair était à l'heure, même en avance de vingt minutes!

Je vais vous avouer un truc: Vous m'avez presque eue. Vous avez tant insisté sur le fait que je me garochais dans le trouble tête première en m'en venant en Égypte que j'ai jusqu'à la dernière minute eu un petit doute. J'ai embarqué dans mon avion et je sentais ma patate battre à 100 miles à l'heure. J'ai même eu peur qu'on ne m'octroie pas mon visa à l'arrivée au Caire, c'est d'un ridicule!
Dieu merci, j'ai quand même continué ma route! En sachant ce que je vis maintenant depuis deux jours, j'aurais tant regretté mon coup d'annuler l'Égypte  lors de ces vacances! Donc je ne vous écouterai plus jamais et je vais revenir à ma stratégie de départ: me faire confiance. Après tout, j'ai des amis prudents dans des milieux variés ici, dont celui du tourisme, qui ont été les premiers en toute honnêteté  à me dire,  en 2013, d'annuler billet lorsque deux semaines après mon achat, Morsi a été renversé. Je me rends compte aussi qu'on nous a présenté sans arrêt à  la tivi  un Caire aux airs d'un War Zone. Une vraie zone de guerre sanglante et bourrée  de danger. Ce qui n'est aucunement la réalité. Oui, il y a des problèmes au Caire. Mais c'est une ville de 20 millions en reconstruction. Nous ne sommes pas en Irak ou en Syrie ici.
Il faut en prendre et en laisser.
Et aussi, point important: Je ne suis pas seule; je suis chez une amie, dans sa famille, avec son papa et sa maman, sa soeur...
Donc voilà, j'arrive au Caire, je trouve un standardiste à l'aéroport  pour appeler Hend, car la sécurité aéroportuaire ne permet pas aux visiteurs d'attendre les arrivants à l'intérieur, sauf avec un permis spécial, du moins ces jours-ci. Elle me dit quelle porte utiliser pour sortir de la bâtisse et je la vois qui m'attend de l'autre côté.

Yay! J'y suis!
Elle me raconte rapidement que son cousin Mohamed est dehors dans la voiture, car c'était le chaos dans le stationnement (aucune place libre) et qu'il est donc au volant à tourner autour du bloc comme un damné  jusqu'à s'en trouver un. On retrouve Mohamed qui me le présente  et Hend m'enseigne tout de suite à le traiter de "picky" en arabe, donc de "gosseux", en bon québécois), parce que son auto, c'est son bébé. Il semblerait qu'il a fait une grosse exception aujourd'hui pour venir me chercher à l'aéroport et surtout pour me conduire avec Hend à notre destination finale, le très local quartier d'Embaba, un des plus gros quartiers du Caire, dans lequel il n'y a pas d'étrangers du tout, car les rues pavées y sont rares. héhéhé. Je vais devenir l'extra-terrestre pour deux semaines à  Embaba; je me suis préparée mentalement avec de venir.
J'ai lu sur internet que c'est un quartier rempli de Frères Musulmans, très conservateur, etc. Je vous expliquerai par la suite que ce que j'ai lu et ce que j'y ai trouvé était différent sur plusieurs points.

Je voulais vraiment une expérience locale... Croyez-moi, je l'ai. Bingo! J'suis dedans les deux pieds bien ancrés.

Bon. Avant de parler  d'Embaba, je vais vous parler d'une vieille amie que j'ai retrouvé aussitôt sortie de l'aéroport: Le charmant et si romantique trafic du Caire! Oh ouiii! Vous savez, des gens qui conduisent 8 autos de large... sur un boulevard qui pourrait prendre du 5 de large... Vous savez, des piétons qui traversent à travers ce 8 de large, en zig zags. Des chars qui arrivent en sens inverse sur la voie. Du klaxon incessant. Ça sait klaxonner en Égypte. 20 millions d'habitants au Caire... Vous savez, faut s'armer d'instruments et de tactiques pour se rendre à  destination.

Mohamed est sympathique... je crois. Parce qu'il ne parle pas anglais et je ne parle pas arabe. On se met à rigoler avec Hend comme traductrice, et la conversation birfuque sur Hany, un autre gars de leur gang, que je connais de l'an passé et qui disait en joke être mon mari égyptien. On me dit que Hany s'est financé. Je ris et joue l'offusquée: "Ben c'est ça, c'est mon mari pis il me niaise avec une autre dès que je pars!" Hend rit et décide que Mohamed est mon nouveau mari égyptien. Il ne peut même pas argumenter. Alors elle nous prend en photos Mohamed et moi et envoie ça à Hany par Whatsapp. La photo a quasiment l'air crédible.
Hany a bien ri et à fait semblant  d'être  jaloux. Tout le monde a bien rigolé  en fait. La maman de Hend riait aussi aux larmes  pendant la séance de photos.

Lorsqu'on est arrivé à Embaba, j'ai découvert une autre Égypte. C'est tellement bondé et coloré! Les immeubles sont alourdis par des cordes à linges remplies de couleurs, pas d'asphalte dans les petites rues, il y a une table de billard au coin, en pleine rue, salle de billard improvisée à l'extérieure pour les jeunes. Il y a des fruits, des légumes, du fromage en vente dans des échoppes, du hashish dans les poches des voyoux, une charrette traine de lourds bacs remplis de mélasse devant nous. Des poulets dans des cages. Des abayas en solde, une mosquée  qui crache ses prières, une église  copte qui crache ses prières, des boulangeries. Il y a des petits feux en plein rue. Hend m'explique que les marchards brûlent leurs déchets. Se stationner ici, c'est digne d'un exploit! Mais Hend sait le faire, elle! Je l'ai vue.
Il y a des tuk tuks partout! Hend ricane et me dit que Embaba, c'est la paradis du tuk tuk. C'est plus facile de s'y déplacer en tuk tuk qu'en voiture, compte tenu des énormes nids de poule qui trônent partout. Hend connait tous les nids de poule, alors elle guide "Picky Mo" vers les zones protégées.
Je vois des femmes en noir, comme les Saoudiennes. Je sais que Embaba est une zone plus conservatrice, et que je serai probablement une des rares femmes non voilées ici. Hend répond à mes questions. Elle comprend  que je n'ai jamais rien vu de tel. Je lui demande si  les femmes en noir sont donc très religieuses et elle me répond que non, pas nécessairement. C'est aussi lié à la situation économique. Du moins dans ce quartier. Lorsque les gens sont moins nantis, plus pauvres, c'est bien moins cher d'acheter deux ou trois abayas (robes noires) et de les laver à toutes les semaines que de se garnir un garde-robe entier.  Je n'avais jamais pensé à cela. Vraiment pas. C'est très logique, pourtant.  Il y a donc au moins deux types de femmes en noir. La pieuse et la pauvre.  J'ouvre encore un peu plus mon esprit, pour tenter de comprendre. Je pense que ça fait au moins trois ans que mon esprit est écartelé, mais là, j'ai dépassé le stade du grand écart.

J'aime déjà Embaba. C'est bruyant 24 heures sur 24, que mon amie me dit. Mais j'adore.
Je rencontre la famille. On mange. Mon amie a préparé de la soupe, des shish taouks, de la moussaka, de la salade. J'ai de la bonne Fayrouz juste pour moi héhéhé. C'était vraiment délicieux. Et copieux. Ils ont acheté des tonnes de bouteilles d'eau pour que je n'en boive pas du robinet.

L'appartement est tout petit et je dois apprendre à utiliser la toilette, pour qu'il y ait de l'eau dedans. C'est quand même loin du trou au sol que j'ai vu souvent en Turquie.
Il y a des tapis, des rideaux, peu d'espace pour tout ranger, donc ils font des miracles pour corder leurs biens de façon ordonnée. La cuisine est si petite qu'ils ont installés leur réfrigérateur sur  un balcon. Mais ils ne manquent de rien.
J'ai dormi comme un bébé à travers le bruit incessant. Un magasin dehors fait jouer le Coran à la radio 24 heures sur 24. Des gens parlent sous la fenêtre jusqu'à 4 heures du matin. Mais j'ai dormi. Jusqu'à 11h. Malgré que des travailleurs soient en train de rénover le building et cognaient du marteau depuis 8 heures du mat, qu'Hend m'a dit.
Mon stressé est tombé, donc oui, j'ai dormi. Et ensuite, nous sommes sorties. Nous sommes allées à Dokki, un quartier qu'Hend affectionne beaucoup, pour prendre le thé, luncher, et placoter un peu. Mohamed est venu nous y rejoindre après le travail, mais surtout, la superbe Dalia nous attendait. Dalia est la meilleure amie d'Hend et je la connais par Facebook. Elle parle anglais, car elle est guide comme Hend, donc on a pu communiquer facilement et gros coup de coeur! Boom! Sa personnalité, son look, ses manières... Je l'aime déjà beaucoup trop. Très contente de rencontrer mon amie cybernétique évidemment.  J'ai aussi eu la chance de partager une cheecha (pipe à eau) avec Mohamed. Je ne sais pas si les cheechas d'ici sont plus fortes que celles de Turquie, mais j'ai senti la tête me tourner à la première inhalation héhéhé. Nenon, y'a pas de drogue dedans Mais je ne suis pas une fumeuse et je dois y aller mollo avec les cheechas, pour me pas avoir la chique.
On a bien mangé, on m'a servi du thé à la menthe... Un beau thé bien noir, dans lequel je mets ma propre menthe fraîche, au goût. Ils nous servent carrément la menthe empotée sur la table, et on arrache les pousses que l'on veut.
Puis, début de lèche-vitrine... Y'a du beau linge pas cher! Tout semble à 10 ou 15$ dans les boutiques... et je ne parle pas des marchés, parce que j'ai vu de la chaussure, mes amis! Pour une bouchée de pain!

Hier, soir, Hend a décidé qu'on partait à l'aventure à pieds dans Embaba, à la tombée du soir. Les boutiques sont pleines et les marchés fonctionnent à pleine capacité, le soir.  Je me demandais si je devais porter le voile et Hend se le demandait aussi. On a laissé son père trancher: Il a dit NON. Pas de voile. Pas besoin. J'allais attirer l'attention de toute façon. Donc nous sommes parties à pieds, nous avons vu de belles choses. J'ai décidé que pour cette première fois, je ne prendrais pas de photos, car je ne veux pas que les locaux se sentent comme des animaux de zoo. Je vais tenter d'en prendre de manière plus incognito. Embaba, dans les faits, pourrait être un paradis de la photographie. Ça fait penser un peu à certains quartiers de Delhi, version égyptienne. Certaines personnes tentent de communiquer avec moi. Il se parle peu d'anglais dans ce quartier. J'adore ça.
Dans la rue, il y avait un attroupement devant un salon de coiffure, avec des perscussions et des chants. Hend m'explique qu'une mariée sort du coiffeur. C'est typique ici de l'acclamer à sa sortie comme si elle était une star. C'est très impressionnant pour moi de voir cela. C'est complètement différent de nos traditions.

J'ai bien ri aussi lorsqu'on est passé à côté du kiosque de brassières... Hend me raconte que ce sont des hommes qui habituellement vendent cela, et que lorsqu'un femme n'est pas certaine de la taille, un seul coup d'oeil, sans même enlever les vêtements et ils le savent. Ils ne se trompent que rarement. C'est un drôle de paradoxe de se laisser zyeuter par un vendeur de brassières, lorsque tu es une femme en noir. Ça m'a fait sourire.

Nous sommes revenus en tuk tuk car c'est très "baladi", que me disait mon amie. Baladi, dans ce sens, veut dire local en arabe égyptien. Le chauffeur de tuk tuk a presque perdu connaissance quand il m'a vu monter. Il a posé des questions, il était très très content de voir une étrangère ici et pendand qu'Hend et moi on jasait à l'arrière du tuk tuk, ils nous regardaient dans le rétroviseur... déconcerté. héhéhé. Extra-terrestre, je vous l'ai dit.
Ne pensez pas que je suis en train d'explorer la lune, là. Mais c'est vrai qu'à force d'avoir peur de l'autre, on évite les contacts de base, bien souvent. Et ils me voient comme quelqu'un qui n'a pas peur d'eux et qui n'est pas ici pour témoigner de leur misère et de leurs problèmes. Je les découvre, tout simplement. Dans le respect. C'est des vacances fascinantes qui sont entamées en ce bourg.

On a fini la soirée avec une voisine pro de la danse du ventre venue nous visiter. Aussitôt la porte passée, tombent les voiles, musique "baladi" au max et on se brasse le ventre et le derrière. Une gang de femmes qui boivent du thé, du chocolat chaud et qui dansent. Pas besoin de parler la même langue pour se comprendre... parfois. :)

J'ai aussi une nouvelle amie. Elle est toute petite et s'appelle Malak (ange). C'est la nièce de Hend, dont le surnom est tooti pour la petite. Ça fait deux soirs que j'ai la visite de la soeur de Hend, Hoda, avec ses deux petites filles Malak et Mariam. Comme Mariam est encore trop petite pour comprendre que quelqu'un d'autre qu'elle peut avoir le même nom (parce qu'on me nomme Mariam ici), pour la petite Mariam de deux ans je suis "tante". Alors, hier, lorsque sa mère lui a demandé où elle allait en visite, elle a dit: Chez Grand-maman, grand-papa, tooti, Heba (l'autre soeur de Hoda) et "tante". ahahahaha

Malak, elle est plus vieille et elle cherche à communiquer. Elle est tout le temps collée sur moi, et hier, quand elle s'est fait chicaner par sa mère et ses tantes, elle a dit: je suis fâchée contre tout le monde sauf Marie-Eve. Marie-Eve est ma darling. J'étais vraiment crampée de rire. Je les trouve vraiment adorables... mais croyez-moi, elles déplacent de l'air. Et la plus petite s'empiffre. Elle aime trop manger et a déjà une petite bedaine.

Je suis vraiment en dépaysement total. J'aime beaucoup l'hospitalité égyptienne. Je suis vraiment traitée comme une reine. J'ai beau essayer de participer, etc, c'est pas évident qu'on me laisse faire. J'ai quand même réussi à payer les thés d'hier, mais j'ai dû me battre avec Mo et presque payer en douce.

Je suis toujours aussi mal à l'aise avec l'idée de ne pas payer, après toutes ces années.  C'est comme ça. On ne s'y habitue pas.

Aujourd'hui est une journée familiale. Il y aura donc de la visite ici. Demain, je vais faire une balade en ville pour visiter un peu.
Je vous souhaite une belle fin de semaine!
Il fait 30 degrés aujourd'hui.

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