Je suis en Égypte depuis quelques jours déjà. Je passe de
belles vacances, mais au rythme égyptien.
Oui, en Égypte on fait comme les Égyptiens. On s'y habitue vite en plus.
Il faut comprendre qu’ici, ils n’ont pas du tout la même
notion du temps que nous. Les gens se couchent tard, peu importe à quelle heure
ils travaillent le lendemain, ils mangent tard; l’heure du lunch, c’est
pratiquement notre heure de souper. Les gens arrivent à n’importe quelle heure
à la maison… C’est normal d’appeler quelqu’un à 11 heures du soir.
Et c'est aussi normal que je ne dorme pas avant 3 heures du matin depuis que je suis ici. J'ai beau essayer, ça ne fonctionne pas du tout.
Oui, l’Égypte, c’est tout cela. Et aussi c'est la folie du trafic. Je
vais vous mettre des photos dès que je le pourrai, car la connexion internet
est trop lente présentement pour que je puisse faire des uploads. Je vous le
jure; je suis allée en Inde déjà, et le trafic du Caire est tellement pire.
C’est incomparable. Comme en Inde, il y a des tuk tuks, mais les chauffeurs
sont plus frondeurs que ce que j’ai vu en Inde. Je n’ai jamais vu autant de
véhicules conduire en sens inverse de toute ma vie! Je comprends pourquoi ça
kaxonne 24 heures sur 24, maintenant.
J’ai eu la chance hier d’aller me promener en ville. La
balade partait de Zamalek, près du nouvel opéra, et se terminait au
centre-ville, aux alentours de Talaat Harb. On a traversé le Nil, nous avons
bifurqué par la Place Tahrir, celle que toutes les télés du monde ont montré
pendant la révolution de 2011, puis le renversement de Morsi. C’est un grand
square très « à l’européenne », bien gardé, mais présentement calme. Outre la journée d'aujourd'hui pendant laquelle 19 personnes sont décédées lors d'une émeute dans un stade (typique histoire de hooligans), je m’attendais à tomber dans un chaos pas possible en arrivant ici, dsns oays, compte tenu de ce qui avait été diffusé dans les médias, et pourtant je ne trouve à
nulle part les images qui ressemblent à ces reportages. Ça me trouble un peu.
Je me demande jusqu’à quel point les médias utilisent les images adéquates
lorsqu’elles rapportent la nouvelle. Je suis perplexe.
Hend m’a expliqué les débuts de la révolution. Tout a
commencé tout petit tout petit, lorsqu’un homme est disparu et qu’une semaine
après, sa famille fut contactée pour qu’on récupère son corps dans un poste
de police. Même si on tentat de convaincre ses proches que c’était une affaire
de drogue, personne n’en crut un mot, connaissant bien le gars en question. Ça
ressemblait plutôt à un abus de pouvoir ayant mal tourné.
La famille, enragée, créa donc aussitôt une page Facebook, en invitant
les gens à aller manifester sur Tahrir contre la police à une date précise (le Jour de la
Police, justement), pour contester ces abus très fréquents. Quelques centaines
de personnes s’y présentèrent, et décidèrent de ne pas bouger d'un poil, lorsque la dite police tenta de les disperser sans foi ni loi. Des gaz lacrymogènes et autres armes furent
utilisées contre eux, bien évidemment, pour qu’ils bougent du square... Ce qui enragea beaucoup de gens.
D’autres groupes décidèrent à ce moment de se joindre à eux avec leurs propres revendications et de dormir sur Place
Tahrir, et ainsi de suite. Chaque groupe
avait ses demandes: du pain. De l'emploi. De la transparence. Les demandes augmentaient au fur et à mesure
qu’on refusait de les écouter, et culminèrent un peu plus de deux semaines
plus tard avec des millions de gens dans les rues et la démission du président
Hosni Moubarak.
Alors voilà. L’armée s’emparra du pouvoir, puis des élections
démocratiques furent organisées un an plus tard. Comme deux candidats seulement furent retenus, dont l’un était un ancien haut placé de l’administration Moubarak, un
gros vote de contestation amena Mohamed Morsi (appartenant au groupe radical
des Frères Musulmans) au pouvoir, contre toutes attentes. Cependant, après une année de reigne peu
concluante et remplie de déception (Morsi mêlant religion et État sans écouter
le peuple), une très grande marjorité d’Égyptiens ressortirent sur Place Tahrir
et l’armée, asservie à un peuple très bruyant, renversa le président. C’est
maintenant l’ancien chef de l’armée qui est au pouvoir. Il a été élu
démocratiquement par une grande majorité de voix.
Et c’est présentement le statut quo en Égypte.
Voilà. Ça prendra vingt à trente ans pour voir le fruit des
résultats de cette révolution… si le nouveau pouvoir y met du sien. En
attendant, la scène politique égyptienne vit des hauts et des bas.
Pour votre info, cependant, ce qui se passe dans le Nord
Sinai n’a rien à voir avec la révolution. Il s’agit de problèmes liés à des
groupes terroristes, maintenant affiliés à l’ISIL. Ces groupes s’en prennent
principalement aux policiers et à l’armée dans le secteur, et c’est très très
loin, près des frontières Palestino-Israéliennes.
Attention : je ne prétends pas dans ce billet que l'Égypte n'a pas de problèmes. La violence est là, comme dans tout pays en reconstruction. Mais cela dit, les images et les mots choisis par les médias ne se retrouvent pas sur ma route, et ce, malgré que je sois en zone urbaine très populaire.
Après Place Tahrir, nous sommes allées au centre-ville. Hend
m’a parlé du code vestimentaire musulman. Elle me racontait que les femmes
d’aujourd’hui cherchent à être modernes et fidèles aux principes religieux en
même temps. Il existe toute une mode du hijab et des vêtements dits
« conçus pour la femme musulmane », et plusieurs robes noires dont on
parle tant sont signées Gucci et Chanel. C’est impressionnant.
Hend me parle aussi de féminisme. Elle me mentionne le nom
d’une femme, Hoda Shaarawy, une des premières féministes du monde arabe et
musulman, qui a organisé une énorme manifestation contre l’occupation
britannique, dans l’Égypte de cette époque. Elle a aussi été la première femme
a retirer son voile en public, clamant que le voile, elle le porterait si elle
le voulait. Plusieurs femmes l’appuyant, ce geste s’est par la suite reflété
dans la culture, qui a accepté ce fait. Hoda Shaarawy a aussi été la première à
ouvrir une école pour femme focalisant sur l’écriture, la lecture et les
mathématiques, laissant de côté la cuisine, la couture et autres arts ménagers
traditionnels. Grâce à Hoda, les femmes égyptiennes ont eu accès à de
l’instruction.
J’ai vraiment adoré ce tour de ville, très instructif. Je ne
savais rien de ces informations. C’est fou ce qu’une bonne explication peut
aider à voir la vie autrement.
Après, nous nous sommes gâtées. Nous sommes allées voir le spectacle de sons et lumières aux Pyramides, pour bien clore la soirée. C’est très relaxant et agréable. Voir les Pyramides de nuit, c’est une toute autre expérience. La brise était fraîche, peu de touristes (puisque tout le monde a peur de venir en Égypte); c’était juste magnifique, dans le sens le plus gigantesque du terme.
Parfois, on a le droit d’être un touriste normal. Ça fait du
bien. Ce pays a tant à donner. C’est incroyable comme il contient de la beauté
à l’état brut.
Aujourd’hui, nous avons réalisé le rêve des petits enfants
de la sœur de Hend : Hoda. Ils voulaient tant me revoir (héhé) qu’ils
harcelaient leur maman. Elle nous a donc invité à prendre le petit déjeuner
(type brunch) chez elle, un peu plus loin dans Embaba. Nous y sommes allées en tuk tuk et sommes passées prendre la petite Malak à la garderie. Elle
était vraiment contente de nous voir la face et m'a tenu la main jusqu'à chez elle. Après, on a dévordé
du foul et des falafels, une combinaison gagnante qui pourrait me satisfaire
amplement pendant toute ma vie, sans que je m’en lasse. J’adore tout simplement
les falafels égyptiens, ils font fait de fèves, et non de pois chiches,
contrairement aux falafels libanais ou d’ailleurs. Ils sont légers,
croustillants, et parfumés. On ne peut aucunement s’en lasser et ils se marient
très bien au fromage frais, et aux concombres saupoudrés de sumac.
Au retour à la maison, nous avons eu droit à un autre repas
délicieux : poulet pané, citrons confits, feuilles de chou farcies au riz et de la
molhkia, une soupe à base d’une herbe verte que je ne connaissais pas, soupe très gluante, un
peu comme du savon à mains, mais ayant un très bon goût. Une fois la texture assimilée,
ça se mange bien. On y trempe le pain ou on en verse sur le riz.
En soirée, Hend et moi sommes aussi allées essayer le Trianon, un
café de Dokki assez luxueux ancré dans un jardin de ville. Thé vert, gâteau au
fromage et aux bleuets, cappucino… Il faisait doux, donc nous nous sommes
installées à l'extérieur. Dokki est vraiment mon quartier préféré du Caire,
jusqu’à maintenant. Il y a des appartements pour toutes les classes sociales,
c’est assez animé et c’est surtout isolé du bruit incessant des grandes routes.
J’y vivrais volontiers, si je devais emménager ici.
Demain, nous quittons le Caire pour une escapade urbaine de
deux nuits et trois jours à Alexandrie, un lieu que je ne connais pas. Je pars
à l’aventure. Hend et moi ne partons pas seules. Sa sœur Heba vient avec nous,
de même que la belle Dalia, et Mohamed, bien sûr, le cousin qui suit partout.
Nous avons réservé une suite pour les filles et une chambre pour le mec. Les
hommes et les femmes non mariés ou qui ne sont pas de la même famille directe
ne peuvent aucunement dormir dans la même chambre d’hôtel, en Égypte. C’est
carrément interdit par la loi. Si on
laisse la porte de la suite ouverte, Mohamed peut y être avec nous. Mais dès
qu’on ferme la porte, il doit sortir. C’est comme ça. Le mâle devra s'éclipser
Je vais essayer de vous écrire de « Alex », comme
disent si bien les Égyptiens. Alex en hiver est le comble du romantisme, qu’on
m’explique… Il y règne une nostalgie perpétuelle, et j’ai bien hâte de la
découvrir.
Ah! Et on mangera des fruits de mer; c’est la place! Yeah!
Ah! Et on mangera des fruits de mer; c’est la place! Yeah!
Bonne nuit tout le monde.
Je ferme boutique.
Et je vous dis ceci en terminant : Ça passe beaucoup
trop vite et mon arabe s’améliore… héhéhé. Je suis passée de "mafish" (rien) à
trente mots prononcés tout croches.
Bonne nuit!
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