dimanche 8 février 2015

En Égypte on fait comme les Égyptiens



Je suis en Égypte depuis quelques jours déjà. Je passe de belles vacances, mais au rythme égyptien.

Oui, en Égypte on fait comme les Égyptiens. On s'y habitue vite en plus.
Il faut comprendre qu’ici, ils n’ont pas du tout la même notion du temps que nous. Les gens se couchent tard, peu importe à quelle heure ils travaillent le lendemain, ils mangent tard; l’heure du lunch, c’est pratiquement notre heure de souper. Les gens arrivent à n’importe quelle heure à la maison… C’est normal d’appeler quelqu’un à 11 heures du soir. 
Et c'est aussi normal que je ne dorme pas avant 3 heures du matin depuis que je suis ici. J'ai beau essayer, ça ne fonctionne pas du tout. 
Oui, l’Égypte, c’est tout cela. Et aussi c'est la folie du trafic. Je vais vous mettre des photos dès que je le pourrai, car la connexion internet est trop lente présentement pour que je puisse faire des uploads. Je vous le jure; je suis allée en Inde déjà, et le trafic du Caire est tellement pire. C’est incomparable. Comme en Inde, il y a des tuk tuks, mais les chauffeurs sont plus frondeurs que ce que j’ai vu en Inde. Je n’ai jamais vu autant de véhicules conduire en sens inverse de toute ma vie! Je comprends pourquoi ça kaxonne 24 heures sur 24, maintenant.
J’ai eu la chance hier d’aller me promener en ville. La balade partait de Zamalek, près du nouvel opéra, et se terminait au centre-ville, aux alentours de Talaat Harb. On a traversé le Nil, nous avons bifurqué par la Place Tahrir, celle que toutes les télés du monde ont montré pendant la révolution de 2011, puis le renversement de Morsi. C’est un grand square très « à l’européenne », bien gardé, mais présentement calme. Outre la journée d'aujourd'hui pendant laquelle 19 personnes sont décédées lors d'une émeute dans un stade (typique histoire de hooligans), je m’attendais à tomber dans un chaos pas possible en arrivant ici, dsns oays, compte tenu de ce qui avait été diffusé dans les médias, et pourtant  je ne trouve à nulle part les images qui ressemblent à ces reportages. Ça me trouble un peu. Je me demande jusqu’à quel point les médias utilisent les images adéquates lorsqu’elles rapportent la nouvelle. Je suis perplexe.

Hend m’a expliqué les débuts de la révolution. Tout a commencé tout petit tout petit, lorsqu’un homme est disparu et qu’une semaine après, sa famille fut contactée pour qu’on récupère son corps dans un poste de police. Même si on tentat de convaincre ses proches que c’était une affaire de drogue, personne n’en crut un mot, connaissant bien le gars en question. Ça ressemblait plutôt à un abus de pouvoir ayant mal tourné.
La famille, enragée, créa donc aussitôt  une page Facebook, en invitant les gens à aller manifester sur Tahrir contre la police à une date précise (le Jour de la Police, justement), pour contester ces abus très fréquents. Quelques centaines de personnes s’y présentèrent, et décidèrent de ne pas bouger d'un poil, lorsque la dite police tenta de les disperser sans foi ni loi. Des gaz lacrymogènes et autres armes furent utilisées contre eux, bien évidemment, pour qu’ils bougent du square... Ce qui enragea beaucoup de gens. D’autres groupes décidèrent à ce moment de se joindre à eux avec leurs propres revendications  et de dormir sur Place Tahrir, et ainsi de suite. Chaque  groupe avait ses demandes: du pain. De l'emploi. De la transparence. Les demandes augmentaient  au fur et à mesure qu’on refusait de les écouter, et culminèrent un peu plus de deux semaines plus tard avec des millions de gens dans les rues et la démission du président Hosni Moubarak.
Alors voilà. L’armée s’emparra du pouvoir, puis des élections démocratiques furent organisées un an plus tard. Comme deux candidats seulement furent retenus, dont l’un était un ancien haut placé  de l’administration Moubarak, un gros vote de contestation amena Mohamed Morsi (appartenant au groupe radical des Frères Musulmans) au pouvoir, contre toutes attentes.  Cependant, après une année de reigne peu concluante et remplie de déception (Morsi mêlant religion et État sans écouter le peuple), une très grande marjorité d’Égyptiens ressortirent sur Place Tahrir et l’armée, asservie à un peuple très bruyant, renversa le président. C’est maintenant l’ancien chef de l’armée qui est au pouvoir. Il a été élu démocratiquement par une grande majorité de voix.

Et c’est présentement le statut quo en Égypte.
Voilà. Ça prendra vingt à trente ans pour voir le fruit des résultats de cette révolution… si le nouveau pouvoir y met du sien. En attendant, la scène politique égyptienne vit des hauts et des bas.
Pour votre info, cependant, ce qui se passe dans le Nord Sinai n’a rien à voir avec la révolution. Il s’agit de problèmes liés à des groupes terroristes, maintenant affiliés à l’ISIL. Ces groupes s’en prennent principalement aux policiers et à l’armée dans le secteur, et c’est très très loin, près des frontières Palestino-Israéliennes.

Attention : je ne prétends pas dans ce billet que l'Égypte n'a pas de problèmes. La violence  est là, comme dans tout pays en reconstruction. Mais cela dit, les images et les mots choisis par les médias ne se retrouvent pas sur ma route, et ce, malgré  que je sois en zone urbaine  très populaire.

Après Place Tahrir, nous sommes allées au centre-ville. Hend m’a parlé du code vestimentaire musulman. Elle me racontait que les femmes d’aujourd’hui cherchent à être modernes et fidèles aux principes religieux en même temps. Il existe toute une mode du hijab et des vêtements dits « conçus pour la femme musulmane », et plusieurs robes noires dont on parle tant sont signées Gucci et Chanel. C’est impressionnant.

Hend me parle aussi de féminisme. Elle me mentionne le nom d’une femme, Hoda Shaarawy, une des premières féministes du monde arabe et musulman, qui a organisé une énorme manifestation contre l’occupation britannique, dans l’Égypte de cette époque. Elle a aussi été la première femme a retirer son voile en public, clamant que le voile, elle le porterait si elle le voulait. Plusieurs femmes l’appuyant, ce geste s’est par la suite reflété dans la culture, qui a accepté ce fait. Hoda Shaarawy a aussi été la première à ouvrir une école pour femme focalisant sur l’écriture, la lecture et les mathématiques, laissant de côté la cuisine, la couture et autres arts ménagers traditionnels. Grâce à Hoda, les femmes égyptiennes ont eu accès à de l’instruction.

J’ai vraiment adoré ce tour de ville, très instructif. Je ne savais rien de ces informations. C’est fou ce qu’une bonne explication peut aider à voir la vie autrement.

Après, nous nous sommes gâtées. Nous sommes allées voir le spectacle de sons et lumières aux Pyramides, pour bien clore la soirée. C’est très relaxant et agréable. Voir les Pyramides de nuit, c’est une toute autre expérience. La brise était fraîche, peu de touristes (puisque tout le monde a peur de venir en Égypte); c’était juste magnifique, dans le sens le plus gigantesque du terme.

Parfois, on a le droit d’être un touriste normal. Ça fait du bien. Ce pays a tant à donner. C’est incroyable comme il contient de la beauté à l’état brut.

Aujourd’hui, nous avons réalisé le rêve des petits enfants de la sœur de Hend : Hoda. Ils voulaient tant me revoir (héhé) qu’ils harcelaient leur maman. Elle nous a donc invité à prendre le petit déjeuner (type brunch) chez elle, un peu plus loin dans Embaba. Nous y sommes allées en tuk tuk et sommes passées prendre la petite Malak à la garderie. Elle était vraiment contente de nous voir la face et m'a tenu la main jusqu'à chez elle. Après, on a dévordé du foul et des falafels, une combinaison gagnante qui pourrait me satisfaire amplement pendant toute ma vie, sans que je m’en lasse. J’adore tout simplement les falafels égyptiens, ils font fait de fèves, et non de pois chiches, contrairement aux falafels libanais ou d’ailleurs. Ils sont légers, croustillants, et parfumés. On ne peut aucunement s’en lasser et ils se marient très bien au fromage frais, et aux concombres saupoudrés de sumac. 
Au retour à la maison, nous avons eu droit à un autre repas délicieux : poulet pané, citrons confits,  feuilles de chou farcies au riz et de la molhkia, une soupe à base d’une herbe verte que je ne connaissais pas, soupe très gluante, un peu comme du savon à  mains, mais ayant un très bon goût. Une fois la texture assimilée, ça se mange bien. On y trempe le pain ou on en verse sur le riz. 

En soirée, Hend et moi sommes aussi  allées essayer le Trianon, un café de Dokki assez luxueux ancré dans un jardin de ville. Thé vert, gâteau au fromage et aux bleuets, cappucino… Il faisait doux, donc nous nous sommes installées à l'extérieur. Dokki est vraiment mon quartier préféré du Caire, jusqu’à maintenant. Il y a des appartements pour toutes les classes sociales, c’est assez animé et c’est surtout isolé du bruit incessant des grandes routes. J’y vivrais volontiers, si je devais emménager ici.

Demain, nous quittons le Caire pour une escapade urbaine de deux nuits et trois jours à Alexandrie, un lieu que je ne connais pas. Je pars à l’aventure. Hend et moi ne partons pas seules. Sa sœur Heba vient avec nous, de même que la belle Dalia, et Mohamed, bien sûr, le cousin qui suit partout. Nous avons réservé une suite pour les filles et une chambre pour le mec. Les hommes et les femmes non mariés ou qui ne sont pas de la même famille directe ne peuvent aucunement dormir dans la même chambre d’hôtel, en Égypte. C’est carrément interdit par la loi.  Si on laisse la porte de la suite ouverte, Mohamed peut y être avec nous. Mais dès qu’on ferme la porte, il doit sortir. C’est comme ça. Le mâle devra s'éclipser

Je vais essayer de vous écrire de « Alex », comme disent si bien les Égyptiens. Alex en hiver est le comble du romantisme, qu’on m’explique… Il y règne une nostalgie perpétuelle, et j’ai bien hâte de la découvrir.
Ah! Et on mangera des fruits de mer; c’est la place! Yeah!

Bonne nuit tout le monde.
Je ferme boutique.
Et je vous dis ceci en terminant : Ça passe beaucoup trop vite et mon arabe s’améliore… héhéhé. Je suis passée de "mafish" (rien) à trente mots prononcés  tout croches. 
Bonne nuit! 

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