dimanche 15 septembre 2013

À moi de moi

J'ai décidé de m'offrir une semaine "à moi de moi".
Dans le fond, je veux passer un peu de temps seule avec moi-même et ne faire que ce qui me plait. Je me paie l'Est Turc, c'est à dire la partie Kurde.
Les Turcs n'aiment pas qu'on dise le mot "Kurdistan", car pour eux, ça sonne comme un nom de pays, et ils sont contre la séparation des Kurdes, évidemment... Mais depuis cet après-midi, tout le monde ici ne dit que le mot Kurdistan. Je suis en terrain épineux. Je vais continuer de dire Turquie, pour ne froisser personne.

Être seule pendant une semaine, c'est un peu l'inconnu et une zone de confort en même temps. Je suis au bout du monde, depuis 15h cet après-midi. Sans équivoque. Parfois on doit aller au bout du monde pour avoir un tête à tête avec soi-même.

Bon. Ça faisait trois jours de suite, hier, que je m'écrasais dans un café à fumer un nargilé à la menthe et au citron. Ouais. Je sais faire des nuages, maintenant. J'ai obtenu mon diplôme de nargilé hier soir. J'ai aussi appris à jouer au backgammon. Au plus simple des jeux, là. Le 31. Mais j'ai compris. Rien de mieux que de se trouver un ami ou une amie de cafés pour apprendre le backgammon. Avec un bon nargilé pour rendre le tout plus moyen-oriental. lol
Quand j'ai quitté ma chambre d'hôtel, ce matin, j'avais le coeur gros et une boule de stress dans le ventre. Ingrid était partie la veille, et j'avais l'impression de perdre tous mes repères. C'est que je voyage maintenant dans une zone nouvelle de la Turquie, et dans L'Est, ça ne parle pas Anglais. Ouais, vous me direz que j'ai survécu au test "Emel", etc. Mais justement, Emel étant là, si je ne sai pas m'exprimer, elle le faisait pour moi. Là, je suis toute seule avec mon Turc bizarre et mon accent de la mort qui tue. Et qui plus est, je vais essayer de voyager en transport local. pour sauver des sous quand je peux, du moins entre les villes.
J'ai pris l'avion d'Istanbul vers Diyarbakir vers 13h00. C'était la première fois que je volais depuis l'aéroport asiatique Sabiha Gökçen. Il s'appelle comme cela en l'honneur de la première femme pilote de la Turquie. Je trouve ça très bien comme marque de respect. L'aviation reste encore aujourd'hui un métier d'homme partout dans le monde, malheureusement. Il y a très peu de femmes pilotes.
J'avais un peu peur de ne pas me faire comprendre à la sortie de l'aéroport, surtout que moi-même, je ne savais pas trop vers où m'enligner. J'ai trouvé un jeune chauffeur de taxi qui n'avait pas peur de mon turc extra-terrestre et je lui ai dit un truc qui ressemblait à "Je veux aller à Midyat, mais peut-être en bus peut-être en dolmus. N'importe quoi. Et mon turc est faible, soit dit en passant". Il a souri et il m'a dit: "Garaj, garaj, pas de problème". Dans le fond, il m'a pris en charge. Il m'a mené directement au dolmus, qui partait 10 minutes plus tard rempli de 18 passagers, et il a expliqué au chauffeur le tralala que je suis étrangère, que je vais à Midyat, le prix du billet, etc. Et j'ai aussitôt pris la route.
Et quelle route!
Déjà, Diyarbakir est une ville magnifique. Je n'aurai pas le temps de la visiter cette année, mais je l'ai au moins traversée un peu. Déjà, à l'atrerissage de l'avion, on avait l'impression qu'une grosse ville de deux millions d'habitants était perchée en plein désert lunaire. C'était hallucinant. Pas d'eau à l'horizon.
Vu du sol, ça devient plus intéressant. En fait, des vallées succèdent aux collines. Elles ressemblent à celles du Péloponnèse en Grèce, avec les arbres éparpillés sur la terre sèche de leurs flancs. Je suis surprise de voir du vert, depuis le sol. Des légumes, des fruits, ça pousse, ça pousse. Les agriculteurs mettent le feu aux champs pour les engraisser. Des ânes se promènent dans les villages, entre les voitures. Des ânes sans maîtres... Comme des amis qui sortent se balader, sans papa et maman. :) Puis, les moutons commencent à se montrer. Des gros maudits moutons, là. De loin, je pensais que c'était de grosses bottes de foin... Vous savez, ces bottes de foin géantes, là... Mais non! Des gros moutons bien gras qui seront tous sacrifiés pour la fête du Mouton dans environ un mois. hihihi Ça va nourrir des gens, ces bestioles-là. J'ai rien contre la fête du mouton, moi. La viande est donnée aux pauvres, et il n'y a aucune bête de tuée gratuitement.
Dans le dolmus, une femme kurde me parle dans une drôle de langue. On tente de me traduire en turc qu'elle me trouve "sweet". Elle n'a jamais vu d'étrangers avant, du moins pas d'aussi près. Elle me donne de l'eau car il fait chaud pour une tite Québécoise... J'ai les pommettes rouge, mettons.
Puis, les gens commencent à se faire débarquer un peu partout... Et là, je me rends compte que je ne sais pas où demander mon arrêt. Un dolmus, ça arrête là où tu demandes. Alors je dis à un monsieur sympathique: "Svp, m'arrêter là où il y a des taxis". Le monsieur me dit: "Tu descendras avec moi au centre-ville et je te trouve un taxi". Ouais, ça me convient. Au centre-ville, il y a plein de gens. S'il me saute dessus pour m'agresser, on va me défendre lol. Alors je suis le monsieur vers le stand à taxi. Entre temps, il me racontre qu'il a fait une tournée au Canada car il est un musicien traditionnel kurde. Il a fait Vancouver, Toronto, et London Ontario (hum...) Il m'écrit son numéro de téléphone en me disant que si jamais je suis mal prise, de l'appeler sans gêne. Puis me trouve mon taxi, lui explique "mon cas", me fixe un prix et s'assure que le chauffeur sache où est mon hôtel.
Ça coule, les amis, ça coûle comme de l'eau. Je me demande déjà comment j'ai fait pour me rendre là, mais je l'ai fait. L'Hôtel... OMG! J'ai booké sur booking.com à un prix intéressant (65 euros la nuit avec petit déjeuner). Oui, c'est cher, mais j'suis en terre kurde et une femme seule. J'ai besoin d'un certain standard pour assurer ma sécurité. Mais quel hôtel! 65 Euros, peut-être... mais ça en vaudrait 250 facile chez nous! C'est un vrai palace, juché sur la colline avec une vue à en perdre son dentier, Il y a un restaurant sur le toit, et je pensais ne pas m,en sortir en bas de 40$ pour mon souper, parce que c'est chic comme endroit, après tout... mais ça m'a couté un gros 12 piastres, finalement, pour une bouffe absolument délicieuse.
Je n'ai vu aucun étranger à l'hôtel. Il semblerait que c'est un endroit de tourisme de luxe pour turcs. Personne ne semble parler Anglais ici. hihihihi. Tout à l'image de la Turquie, qui n'est pas avancé côté langues secondes.
Mais je m'en fous! Demain, je vais booker un taxi pour la journée et je vais me taper tous les monastères syriaques du coin. Trop cool ! J'ai décidé de laisser tomber Mardin. Mon programme est trop serré pour le temps qu'il me reste en Turquie. Et comme j'ai déjà passé Mardin, je pense que je vais me contenter de rester dans le coin de Midyat, avant de partir pour Hasankeyf.
BTW je suis à 11 km de la Syrie en guerre, et presque en Irak! Ici, c'est si calme. Difficile de croire que si près il y a la guerre.
La ville de nuit est si belle. J'ai hâte de la découvrir en plein jour. J'ai voulu faire un petit tour de nuit mais une gitane m'a dit de ne pas partir seule de nuit. Alors je l'ai écoutée. Je ne suis pas à Istanbul, ici. Je suis loin et seule. Prudence, prudence, prudence. Si la gitane le dit, c'est que c'est vrai, car les gitans,ça ne donne pas de conseils, habituellement.

Je posterai des photos demain, très certainement.

Bonne nuit.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire