C'est même assez tordu merci.
Et je ne sais pas quelle idée j'ai eu en 2011 pour décider tout à coup que j'allais apprendre cette langue qui ne me sert qu'en voyage et que je n'utiliserai jamais à des fins utiles au Canada.
En fait, j'apprends le turc parce que j'aime les défis, j'aime les langues et j'aime ce pays. Trois raisons que je trouve ma foi assez bonnes, compte tenu des circonstances.
Mon gros problème avec cette langue... c'est que je n'ai personne avec qui pratiquer face à face. J'ai un cours par Skype une fois par semaine avec mon ami Emre. C'est mon prof, mais c'est aussi un ami proche. Alors il m'organise mes cours pour qu'ils me soient le plus profitables possibles. Sauf que c'est difficile de mesurer mes progrès au jour le jour.
Je ne peux que me fier à Emre qui me dit: "c'est bien".
De plus, avec Özlem et Emre, j'ai tendance à placoter en anglais. Mon cerveau ne se décide pas à parler turc avec eux. On dirait que ce n'est pas naturel pour moi. C'est l'anglais qui vient en premier, probablement parce que je sais qu'ils sont tous les deux bilingues.
Depuis mon arrivée, j'ai eu le confort de l'anglais. Hier cependant, un premier petit test m'a été présenté et je l'ai réussi. Je suis allée chez les parents de Alper. Je connais le papa, la maman et la grand-maman de mon cher Alper depuis 2011. Je connais aussi ses sœurs et frères. Il sont une flûte à sept trous. Trou # 1: Sibel et trou # 7 Alper. C'est le bébé. Les autres sont Cengiz, Atilla, Mehmet, Meryem et Gaye. Ils sont tous gentils mais aucun ne parle anglais.
En 2011, je baragouinais une centaine de mots en turc et je ne connaissais que le présent de l'indicatif. Je prononçais bizarrement mes mots en oubliant pratiquement tous mes H aspirés. Mais j'avais réussi à tisser une petite relation spéciale avec la maman de Alper qui considère que je suis comme une turque depuis le début.
Hier, je les visite. Ils n'attendaient pas mon arrivée. Ils ne savaient pas que j'avais réussi à rejoindre le pays depuis le Maroc. On m'accueille donc dans la joie totale, comme si j'étais un membre de la famille qui revient inopinément au bercail. J'ai des becs. Des colleux. Le vieux papa de Alper (né en 1930) me salue en riant avec son accent de la mer noire que je ne comprenais que dalle en 2011... mais qui me semble évident en 2013. Puis Gaye et Cengiz, et des cousins, et la grand-maman (une turque de Géorgie)... Et je commence à parler. En Turc. Oui les amis. J'ai fait ça. Je suis restée moi-même surprise d'entre ma voix commencer à blablater dans cette langue. Özlem m'a regardée. Elle est habituée de m'entendre tenter des courtes phrases et continuer en anglais. Mais là, j'étais en train de raconter mon escale au Maroc... en Turc! Fascinant. Le cerveau est parfois la machine la plus surprenante qui soit.
On parle, il y a de l'humour, que je comprends à moitié, mais je ris quand même, et je renchéris, je participe. Tout ou presque se fait en truc. On m'explique le fonctionnement de leur samovar, car je n'en avais jamais vu. Je croyais qu'on ne trouvait cela qu'en Russie, mais il semble que les turcs l'utilisent aussi.
On repart vers 23h. Je suis heureuse d'avoir rompu la glace. Parce que mon vrai test approche: Safranbolu avec Emel pendant deux jours. Ouffff... Emel qui ne parle pas anglais. Elle et moi toutes seules. Puis-je faire cela sans sentir une lourdeur?
Avant d'aller chez les parents de Alper, j'ai passé la journée en ville avec ma belle Özlem. Elle avait un cours à donner de 11h à 13h. Ensuite, elle était libre comme l'air. J'ai donc assisté à son cours à BDM, car les propriétaires sont toujours hyper heureux de m'y voir. Ils s'imaginent encore que je pourrais un jour déménager en Turquie et travailler pour eux. Ils ont de la misère à trouver des profs étrangers que les élèvent aiment, mais avec moi, depuis le début, le courant passe. Les élèves me demandent, et j'ai même eu la permission de donner un cours pour le fun, l'an passé, avec Éric, un Américain qui ne travaille plus là maintenant. Puis, j'ai connu la charmant Ayse, une jeune prof d'anglais qui est aussi une bonne amie d'Özlem, et nous sommes allées Ayse, Özlem et moi prendre un chocolat blanc chaud (ouiiii miam) et du thé. Puis, nous sommes allées manger un cumpir... Vous vous rappelez ? La grosse patate garnie de salade russe, couscous, cornichons, maïs, ketchup, fromage, mayo et bien d'autres choses... J'en mange à chaque voyage au moins une fois. C'est trop turc. J'adore.
Je suis folle d'Ayse. Elle est amusante et moderne, et elle est joyeuse. J'espère vraiment avoir la chance de la revoir cette semaine, car si vous ne le savez pas, mon voyage se déroule comme suit: Une semaine à Sakarya avec mes amis, une semaine à Istanbul avec Ingrid, une amie de Scandinavie qui vient me retrouver et une semaine dans l'Est de la Turquie (Mardin, Midyat, Hasankeyf et Van), et trois jours à Istanbul, seule.
J'aurais dû planifier plus de temps à Sakarya, mais j'ai envie de ce voyage dans l'Est depuis trop longtemps. Je veux le faire. Il est sur ma liste depuis 2008, et je le reporte tout le temps. Les conditions n'étaient jamais favorables. Là, elles le sont.
J'ai vraiment le cul béni. Mes amis sont extra. J'ai non seulement de bons amis au Québec, mais j'ai aussi de bons amis ici. Des amis sincères. Ce n'est pas donné à tout le monde de tomber dans une si belle talle du premier coup. Ben moi, ça m'est arrivé via Özlem et son cercle, et j'ai ensuite élargi mon cercle à Emre, et ensuite à Emel.
Donc la connaissance d'Ayse, c'était hier. Aujourd'hui le plan était différent. J'ai encore assisté à la classe d'Özlem de 11h à 13h, puis nous sommes allées manger chez Burger King (ben ouiiiii on aime ça toutes les deux!) et après, on voulait visiter Emre à son travail. Donc nous y sommes allées. C'était vraiment agréable. Emre est comme un petit frère pour moi. Du moins c'est un très bon ami. J'aime ses manières, sa façon d'être, etc. Nous avons eu le temps de rigoler un peu et de visiter ses nouveaux locaux pour Gotta Talk, son école. Je le revois vendredi. Je vais assister à une de ses classes et après on va aller dans un pub boire de l'eau de vie. héhéhé.
Puis, nous sommes allées trouver Emel à un café, et comme Özlem avait un autre cours à donner, elle m'a laissé ses clés pour que j'aille récupérer mes affaires, car ce soir, je couche chez Emel. On part tôt demain pour Safranbolu, où nous allons dormir une nuit. C'est notre voyage de sacoches! :D Je suis emballée car Safranbolu semble très agréable pour faire de la photo. Ça semble pittoresque. Mais Emel, c'est le test ultime. Je vous avoue que lorsqu'Özlem m'a dit bye bye tantôt, j'ai pris une grande respiration. Emel, ça veut dire 100% de Turc dans mes conversations, sans personne pour me traduire en cas de problème.
Mais là, ce soir, j'ai eu une révélation. En plein pendant notre souper chez Nispet, un endroit hyper populaire où l'on a dégusté un plat de poulet aux aromates. On jasait tout bonnement, sans cesse, de façon fluide... et j'ai tout à coup pensé: "Je suis en train de parler Turc depuis quelques heures, sans aide, et je ne pense même pas à traduire à partir du français!" Ça c'est de la révélation, mes amis. Parce que j'ai eu un boost de confiance incroyable, suite à cette pensée. J'ai pris conscience des résultats de mes efforts hebdomadaires avec Emre sur Skype. Bang! Ça m'a frappé et le résultat vient de me surprendre. Je parle Turc. Je parle vraiment Turc. Pas parfaitement, loin de là. Pas un Turc fancy non plus, il faut le dire. Mais je peux parler de politique, de peines de cœur, du nouvel emploi d'Emel, de mes journées, de mon mariage... Je parle Turc. C'est ce que je dois dire. Je ne dois plus dire que je parle un peu Turc, que je parle un Turc de base, que je baragouine le Turc. Je dois dire que je parle Turc. Voilà. Et ça m'a remplie de joie.
Pour aller chez elle, nous avons pris un dolmus (mini van qui suit un parcours précis pour moins d'un dollar par personne). J'étais en train de raconter à Emel que je trouvais que me promener en dolmus, ça me semblait exotique et que j'avais l'impression d'être une aventurière, quand le véhicule en question c'est arrêté net sur l'accotement. Panne d'essence. Oui, toute une aventure, effectivement. Ces choses font partie de l'expérience du moyen de transport en question. Nous, les femmes (Emel et moi) sommes restées assises comme des reines dans le dolmus, pendant que les monsieurs poussaient vers la station service la plus près (à 150 mètres, heureusement). hihihihi.
J'ai rencontré les parents d'Emel. Ils sont des Turcs de Bulgarie. Ils ont grandi en Bulgarie et le papa parle un peu français (le Français étant, avec le Russe, la langue seconde enseignée à l'école dans ce pays). Ils ont une très belle maison et sont terriblement accueillants. Ils m'ont même acheté une grosse bouteille de cola diète, car ils ont eu vent de ma terrible addiction à l'aspartame. :D J'aime ces gens!
Jusqu'à maintenant, mon voyage se compose de retrouvailles. Je ne prends presque pas de photos. Je profite simplement de la chance que j'ai d'être ici.
Je dois me coucher, il est 2h45 du matin et je me lève à 7h00 au plus tard.
Mais je vous laisse sur une photo qui parle beaucoup :
Trudeau et son joint faisant le Times Magazine. :D
Non mais, tant qu'à y être, hein ?
Pis pourquoi pas vous montrer mon souper ? :D Trop bon.
Je vous souhaite une bonne journée.
Tu m'impressionnes tellement - je t'admire! C'est absolument remarquable d'apprendre une langue comme tu l'as fait. Moi qui espère toujours apprendre le danois par "osmose"... ta méthode "dévouement et étude intense" semble bien plus efficace ;)
RépondreSupprimerProfite bien de ces moments précieux avec tes amis!
XX
J'ai eu des frissons est te lisant aujourd'hui. Ta révélation a fait monter les larmes à mes yeux.
RépondreSupprimerHeureuse pour toi très chère.
xx