lundi 16 septembre 2013

En terre kurde...

Ce matin, je me suis levée avec l'intention de payer un chauffeur de taxi pour la journée et ainsi visiter les sites chrétiens qui tourbillonnent autour de Midyat.
Midyat est une ville peuplée de musulmans kurdes, de Syriens... et de Syriaques (Süriyaniler, en turc). Les Syriaques sont un peuple immensément vieux dont la langue, le syriaque, est encore vivante. Il s'agit de la langue la plus ressemblante à l'araméen, la langue du Christ. C'est la langue qui a servi de modèle à Mel Gibson pour son film sur Jésus. Les Syriaques sont orthodoxes. Ils ont donc des églises et des monastères, qui datent de presque deux mille ans. La région de Midyat est truffée de ces trésors, mais ils sont souvent inaccessibles et même fermés au public. On doit avoir l'autorisation de visiter par les habitants des lieux.

Je voulais voir ces monastères. Ce n'est pas tant qu'ils sont si beaux, mais ils sont anciens et plantés dans un décor fabuleux et presque irréel. Pourquoi suis-je à Midyat? Pour cela, entre autre.

Donc je me présente à la réception et explique à la fille que je veux qu'elle me trouve un transport et qu'elle s'entende avec lui d'avance sur le prix et les modalités. Mais le boss de l'hôtel me propose donc Yusuf, un de ses employés.  Et lui prête son char lol. Quand même. Le prix est plus élevé, mais le service sera au rendez-vous. Et j'ai confiance en l'hôtel. Je préfère partir à l'aventure avec quelqu'un qui m'es suggéré qu'avec un chauffeur de taxi inconnu. Donc je l'engage pour une journée avec une option d'une deuxième journée. 
Yusuf est super. Il est Kurde, évidemment. Et ne parle pas un traitre mot d'anglais, évidemment. Et il conduit vite comme tous les Turcs, évidemment. 100 dans une zone de 50, pas de trouble. Le dolmus, hier, conduisait à 140 dans une zone de 100. Ça, j'aimais pas trop.
J'ai passé une très belle journée. J'ai visité les fameux monastères, mais en prime, j'ai pratiqué mon turc avec Yusuf et nous sommes allés dans des villages isolés. Chaque monastère nous disait: "Allez à cet endroit, il y en a un autre". Parfois, on arrivait sur un monastère délabré, mais magnifique. Yusuf lui-même n'avait jamais mis les pieds là. Les Popes, ou les Syriaques en charge de garder l'endroit nous laissaient toujours visiter gratuitement. On pouvait monter sur le toit et se griser du panorama. C'est bizarre. On dirait le Péloponnèse et l'Égypte en même temps. Tout est sec car la saison des pluies est l'hiver.
Yusuf me parle de tout et de rien. Je le suis du mieux que je peux en turc. Il me dit que merci en kurde se dit "spas", un peu comme "spasiba" en russe. Il me raconte qu'il aime les contrées séparatistes comme la Catalogue et le Québec (oui oui, il nous connait). Il me parle du Che Guevarra car il a lu sur Cuba. Il me compte sa vie, qu'ils sont six enfants, qu'il a connu l'armée et la guerilla quand il était enfant. Un vrai Kurde, comme je me les imaginais. Il me demande ce que je sais du PKK... Selon moi, c'est de la politique ou du terrorisme? Bof... Je lui dis que je n'en sais rien. Après tout, ils sont des millions de Kurdes et moi je n'ai que des opinions à ce propos. Mais je souris car la question ne me surprend pas. Beaucoup d'entre eux se demandent ce que l'on pense d'eux et de leurs choix.
On est tous comme cela. Voilà tout.
Je n'ai pas pris de petit déj. Pas le temps. Nous sommes partis vers 9h00 et je me suis levée en retard. Vous connaissez peut-être le "5 minutes de plus" du snooze matinal... Yusuf m'a acheté du jus de cerise (oui, très commun en Turquie et délicieux) et de l'eau, et sur la route, il s'est arrêté à côté d'un champ. Il m'a ramené une grappe de raisin prise sur l'arbre et l'a lavée avec son eau embouteillée. De beaux petits raisins bien sucrés, déposés sur le dash de la Fiat, juste pour moi. lol Non mais, si c'est pas génial, ça. Dans le champ, je vois des carrés de tissus blancs recouverts de quelque chose. Il me dit que ce sont des raisins. On s'approche... Des raisins qui sèchent au soleil. Des raisins secs en devenir. C'est comme cela qu'ils les font! Un peu comme notre morue séchée et salée. Le procédé de séchage est assez similaire. Je trouve l'endroit assez mémorable pour croquer quelques clichés.
Par la suite, on passe à côté d'un immense complexe gardé. Il m'explique que c'est un camp de réfugiés syriens. Impressionnant.. Quarante mille réfugiés y vivent. La Syrie est tout près, que voulez-vous. Je suis un peu stupéfaite, et curieuse. Je n'ai jamais vue de camp de réfugiés avant. J'observe de loin, car évidemment, on ne peut y accéder. Quand je pense qu'il y a la guerre si près, et qu'ici c'est si tranquille.
Yusuf me raconte que son vrai nom est Ucef. Alors pourquoi Yusuf? "Parce qu'en Turquie, il est interdit aux Kurdes d'avoir un nom kurde." Ucef est devenu Yusuf sur ses papiers de naissance. C'est comme cela. L'assimilation commence par le vol du nom. Ensuite, l'interdiction d'apprendre ou de parler la langue kurde à l'école. Etc.
Le mot Kurdistan est aussi prohibé. Les Turcs refusent qu'on emploie le mot "Kurdistan". On doit plutôt dire "région kurde" ou "province kurde". Cependant, dès mon atterrissage à Diyarbakir, je n'ai entendu que ce mot: Kurdistan. Les gens d'ici le disent haut et fort. "Tu visites le Kurdistan?" "Bienvenue au Kurdistan" "Nous, au Kurdistan", "notre Kurdistan", blablabla. Je crois que les Kurdes n'ont pas peur des mots. Ni des frontières.
Yusuf de me dire: "Si tu avais eu une journée de plus, on aurait pu aller faire un petit tour en Irak". Et moi de répondre en riant: "Le visa est difficile à avoir, et l'Irak, c'est pas un peu dangeureux?"... Lui de dire: "C'est le Kurdistan, c'est pas pareil. C'est chez moi."
Mais non, je n'irai pas en Irak, même si j'en aurais eu follement envie dans d'autres circonstances. Pas par goût du risque, croyez-moi. Mais par curiosité. Je me demande ce que ça veut dire que ce mot "Kurdistan". J'aurais bien aimé le connaître au delà des frontières, bien à leur manière. Mais ce ne sera pas pour cette année. Les conditions ne sont pas propices, et je n'oserais pas traverser ces frontières seule.

Je me suis nourrie de beaux paysages, aujourd'hui. Il y a tant à voir. Aussi, peu de touristes, et pratiquement aucun touriste étranger sauf moi. Ce n'est pas la saison, qu'on me dit. Il fait effectivement très chaud et sec. Entre 14h et 17h, on reste sous l'air climatisé. Je me suis couchée quelques heures.

Midyat... C'est petit, c'est unique, il y a des femmes en noir (celles d'origine syrienne ou iranienne). La plupart sont cependant kurdes, donc pas en noir, mais très colorées, avec des pantalons bouffants et des fichus pour retenir la chevelure. Leur peau est mordue par la soleil et ces femmes sont déjà vieille à trente ans. Il y a des coqs et des poules dans la rue, des carrioles mêlées aux voitures, les femmes font sécher des piments sur des petites cordes sur les toits. Les enfants trainent dans les rues, comme ailleurs dans le monde. Certains fument la cigarette en cachette. J'en ai vu!

Il me reste une journée ici (demain). Ensuite, je pars pour le joyau qu'est Hasankeyf. Je vous invite à lire sur Hasankeyf sur internet, car c'est un endroit unique et spécial. Pour moi, y être, ce sera spécial.

Je vous laisse sur ces quelques photos, assez rustiques, mais qui vous plairont sûrement.

Bonne nuit!

 Monastère Mor Gabriel

 Les superbes clochers du monastère

 raisins secs en devenir

 Yusuf et ma grappe lol

 Portes d'entrée d'un monastère syriaque

 Salle de prière des moines orthodoxes

 Vue majestueuse sur la vallée

 Nous sommes carrément seuls

 Un monastère et un olivier :)

 Monastère en ruine dans un petit village syriaque

 Vue depuis un des toits

 J'ai l'impression d'être au Moyen-Âge

 Petite chapelle syriaque

 Vieil homme syriaque en prière

 Le terrain est accidenté

 Et très changeant

 La preuve que je suis là lol (avec mon gilet fleuri à chier à 2 piastres acheté au marché car je ne voulais pas faire ma lessive hihihihi. Mettons que ça flashe)

 À couper le souffle

 Le parfait café turc 

 Mon palace hihihhi
 Balade à pieds à Midyat.

 Vue sur les maisons ancestrales. Superbe.

 Les minarets de la Midyat moderne

 Quand même! :)

 Marchand de laine... Oui Mélanie, cette photo est pour toi!

 L'heure du thé 

 Mon petit déjeuner sur le dash... et une charrette lol

 Pittoresque monastère

 Les plus vieilles demeures de Midyat

 Au retour du marché 

Balade en famille lol
 
 Au loin en blanc: le camp de réfugiés syriens

Le temps des potins :)

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