mercredi 26 février 2014

La vie est un cabaret ...

Je suis de retour au Québec depuis hier.
Depuis hier, je pleure en-dedans. Je n'ai jamais autant pleuré de l'intérieur de toute ma vie.
Parce que je dois l'avouer, Istanbul m'a eue cette fois.
Istanbul m'a complètement prise au piège.

Et là, je suis de nouveau loin du Bosphore, mais j'entends Istanbul qui me crie de revenir à elle.

Mes derniers jours en Turquie ont été remplis de belles choses.

J'ai bu thé après thé avec Erdi la nuit. Erdi. Mon Erdi. Avec qui j'ai tant de plaisir. Erdi qui partage un soda-citron avec moi aux petites heures du matin. Erdi qui regarde un match de hockey avec moi dans le lobby. Erdi qui me réveille tout doucement quand je m'endors dans le lobby sur une des chaises géantes.

Je suis sortie encore une fois avec Yunus, parce qu'on a beaucoup à s'apporter mutuellement dans notre amitié, et qu'à chaque fois on se laisse avec l'envie de prendre une dernière bière et de se raconter une dernière niaiserie. Oui, l'amitié n'a pas d'âge et mon petit Yunus de 25 ans ne regarde pas mon âge quand il me raconte ses histoires. Il n'a pas les mains longues non-plus. Il est mon ami. Il me fait rire.

Je suis allée faire une virée de fou avec Nebahat. Soirée de fous à Taksim... et poudre d'escampette 30 secondes avant la grosse manifestation de samedi. Ouf! On l'a échappé belle, mais c'est comme ça. Et la suite, à Bostanci, le coin des riches stambouliotes, a été des plus intenses. Resto de luxe, soirée de raki, et dodo chez Nebahat, car il n'y avait plus de tramway à la fin de notre virée nocturne. C'était plus sage... Et Bostanci, avouons-le, n'est pas le pire endroit pour passer la nuit.

Je suis allée faire une balade à Üsküdar avec Ayhan. Üsküdar, c'est mon quartier. J'y vivrais. C'est la vraie vie, c'est vivant, il y a un marché permanent pour le poisson frais de la région, dont les hamsi, petits poissons frits et salés que l'on mange comme ça, tout simplement... (délicieux avec de la bonne bière froide). Üsküdar, c'est le paradis asiatique de ma ville fétiche, c'est la beauté des longues balades sur le bord de l'eau, de la lecture au soleil sur un banc de parc, des fleurs, des fruits des marchés extérieurs, du pain frais acheté au coin d'une rue. Je suis amoureuse d'Üsküdar. Si j'avais à m'acheter un appartement dans la mystique ville des Sultans, ce serait mon premier choix.

Je suis allée magasiner à Forum Istanbul avec Emel, venue tout droit de Lüleburgaz pour passer la journée avec moi. Mon amie était de très bonne humeur, belle comme un coeur, heureuse comme je ne l'ai jamais encore vue depuis qu'elle a trouvé un emploi de professeure d'informatique dans une école secondaire.  Nous nous sommes gavées de thé, de café, d'iskender kebab et de künefe. Nous avons dévalisé les boutiques. Nous avons bien ri. En septembre dernier, j'avais eu l'angoisse de me retrouver seule avec Emel et de devoir parler 100% turc avec elle pour la première fois, Emel ne parlant pas l'anglais. Et mes craintes s'étaient envolées après notre petite escapade à Safranbolu. Lorsque nous nous sommes revues, dimanche, il n'y avait plus d’appréhension. Je sais qu'Emel et moi on se comprend très bien et que mon turc est plus que suffisant pour elle. Je ne pense même plus que je dois parler en turc. Je parle, tout simplement. C'est la seule personne qui me fait oublier de me rappeler que je parle le turc. C'est fou ce qu'une véritable amitié peut changer dans notre confiance langagière. Je suis tellement heureuse d'en être arrivée là.

J'ai assisté à ma première pièce de théâtre en turc. On avait choisi une comédie musicale: Kabare (La version turque de Cabaret, qui joue présentement au Québec avec Brigitte Boisjoli).  J'ai vraiment aimé mon expérience. J'aime le fait que dans les théâtres de ville, les pièces de théâtre sont toutes à 15 livres turques (environ 8$ canadiens), même si les acteurs qui y jouent sont connus. C'est la ville ou l'état qui subventionne les théâtres, rendant ainsi les pièces accessibles à monsieur et madame tout le monde. Je pense que l'art est la clé de la santé mentale d'un peuple. Le fait de rendre l'art accessible montre une profonde envie de faire fleurir la culture turque.

Savez-vous quoi ? La vie est un cabaret. Oui. La pièce le dit. Et c'est vrai. La vie est une perpétuelle représentation, remplie de folie, de rêves, de drames, d'amour, d'humour. La vie est tellement burlesque. 

J'ai beaucoup marché.
J'ai beaucoup ri.
J'ai versé toutes les larmes de mon corps à mon départ.

Mes adieux avec mes amis ont été déchirants. Je suis perpétuellement brisée en deux. D'un côté, j'ai ma famille, mon amoureux, mon emploi. Ma vie canadienne, bref. D'un autre côté, j'ai mon mode de vie idéal, celui d'Istanbul. Cette ville est en moi, c'est une partie de moi-même. Je ne sais pas comme je pourrai concilier les deux côtés en même temps, mais une chose est certaine: je suis perpétuellement en deuil, à chaque fois que je quitte ma belle ville.

Erdi et Kerim étaient là, cette nuit de mon départ. J'ai descendu dans le lobby à cinq heures du matin pour attendre ma voiture privée.
J'ai senti beaucoup d'émotions qui flottaient dans ce lobby. Vraiment trop d'émotions. J'ai senti que mes garçons n'avaient pas envie que je parte. Que c'était pas juste moi celle qui avait le coeur chamboulé. 

Mais je suis partie.
Et je suis ici maintenant. C'est comme ça. D'ici quelques jours, j'aurai réussi à surmonter ma peine. Quand j'aurai les blues, j'extirperai ma carte Akbil (de transports) de ma sacoche et je la caresserai du bout des doigts, comme pour me rappeler qu'il me reste 20 dollars à utiliser dedans. Comme pour me rappeler que je suis à une demi journée de voyage de cette ville. Et qu'il y aura de nouveaux vols directs avec Turkish Airlines, à meilleur prix que ceux d'Air Transat, dès juin de cette année, entre Montréal et mon Istanbul.


Je m'y sens tellement bien. Tellement calme. Tellement moi-même, sans qu'on m'y juge.

Sur mon vol Francfort-Montréal, by the way, j'étais assise à côté des médaillés olympiques Meagan Duhamel et Eric Radford. Je vous dis ça juste comme cela. Fait divers.
Ah. Et j'étais dans le même vol que Réjean Tremblay. Qui d'ailleurs est identique dans la vraie vie qu'à la télé. Le Monsieur prend beaucoup de place, si vous voyez ce que je veux dire. :)

Ok.
Je veule clore ce périple fou avec mes moments clé, comme d'habitudes. Ou mes faits saillants. Ils sont dans un ordre aléatoire.

1) Hend.
Mon amie. Ma belle amie. Qui me manque déjà follement. Mon amie tellement différente de moi et tellement identique en même temps. Je suis choyée de la connaitre. Je suis chanceuse de l'avoir retrouvée en 2011. Je suis privilégiée qu'elle m'aime autant, qu'elle ait ce regard sur moi que seules les vraies amies ont entre elles. Je considère que ma princesse Hend mérite une place majeur dans ma vie. Je suis heureuse de l'avoir retrouvée dans son pays. Je suis fière de ne pas avoir eu peur d'y aller. D'avoir osé. Car Hend, mon amie, mon coeur, tu m'as encore plus fait aimer l'Égypte que dans mes souvenirs.

2) Gaby et Andy.
Quel privilège d'avoir connu des gens si extraordinaires. Gaby est unique. Il n'y en a tout simplement pas deux comme elle. Elle a une énergie inépuisable. Gaby aime passionnément l'Égypte. Elle a aussi une expérience de vie gigantesque. J'aime le petit côté fonceur qu'elle dégage, j'aime le fait qu'elle a vécu sa vie au rythme de voyages, d'aventures nouvelles. Andy est quant à lui tellement intéressant. J'ai apprécié nos discutions culturelles, politiques. J'ai aimé découvrir sa passion pour la cuisine, sa façon de décrire les aliments... Son vinaigre aux herbes fait maison. L'heure du whisky ou de la Sakara avec Andy. Sa soupe à l'orge dont j'aimerais tant posséder la recette, car c'est la meilleure soupe du genre que j'ai jamais mangé. Andy, l'ami des animaux.

3) Özlem.
Un plaisir fou de revoir mon amie. J'ai très bien dormi sur son sofa. J'ai profité du fait qu'elle était en congé presque tout le temps quand j'y étais pour faire les boutiques avec elle, et boire des thés d'hiver en ville, avec la belle Ayse nous accompagnant. Özlem comme toujours est généreuse avec moi. Je la considère comme un membre de ma famille. Je suis énormément comblée de la connaître. Que dire d'Özlem, qui buche pour améliorer son sort côté carrière. J'ai décidé que cette année allait être son année. Voilà pourquoi je prierai Allah à tous les jours pour elle. Ou Dieu. Ou la divinité de votre choix. Mais IL m'entendra. Je vous le jure.

4) Emel
Ah! Emel et sa joie de vivre. Emel qui aime m'agacer en se moquant de mon addiction pour Galatasaray, elle qui voue son engouement à Besiktas. Emel qui adore Rafaaaaaaaaa comme moi! Et la même musique que moi... Nil Karaibrahimgil, Sebnem Ferrah, Imany, Teoman. Emel qui ne me laisse jamais payer rien, même si c'est ELLE qui se déplace en autobus pour passer une journée avec moi, donc c'est elle qui en théorie devrait être mon invitée. Emel qui me fait oublier que je ne suis qu'une étrangère parlant le turc comme je peux. Emel qui ne me reprend jamais lorsque je parle étrangement. Elle continue la conversation comme si de rien n'était, pour ne pas interrompre une conversation profonde et amicale au nom de la grammaire. Emel qui à chaque fois me parait différente. Grandie. Plus belle et plus épanouie.

5) Emre
Emre, mon prof, mon ami, mon partenaire de brosse. hihihi. Emre que j'ai à peine vu, mais qui a décidé de me sortir au Radyo Pub, pour qu'on soit dans un endroit relax pour jaser de nos vies, nos bonheurs, nos misères. Emre est probablement la preuve que l'amitié homme-femme existe. Avant, je n'y croyais pas vraiment. J'étais la première à clamer qu'une vraie amitié homme-femme était impossible, qu'il y avait un monde entre les genres. Mais je me rétracte. Je retire mes mots. Oui, il n'y a pas de genres en amitié. Emre m'apporte beaucoup. À chaque fois.

6) Erdi et les garçons. :)
Ahhhhhh ! Que de joie de retrouver mon big boy Erdi après deux ans d'absence, lui qui était en Russie depuis 2012. Je ne m'y attendais pas à le revoir, dès mon premier jour de vacances et je dois vous dire que je m'attendais encore moins à le voir revenir au Adora, lui qui devait partir au service militaire tout de suite, mais que l'état a reporté à mai. Donc en attendant, Erdi était de retour. J'ai donc profité du fait que mon ami travaillait à toutes les nuits pour passer beaucoup de temps avec lui dans le lobby. Erdi était un réconfort pour moi, une sécurité... De le voir m'accueillir à tous les jours me causait une immense joie. De passer un peu de temps avec lui hors de l'hôtel, c'était agréable. Aussi, les autres garçons du Adora étaient tout simplement merveilleux. Yusuf, Ramazan, Kerim, et tous les autres... Que de rires avec eux. Que de thés bus. Sans eux, mon séjour aurait été drabe.  Mais il a été coloré et parfumé.

7) Yunus.
Ouais. Yunus, le meilleur ami de Erdi. Que je connais depuis si longtemps aussi. Yunus, si brillant. Si aimable. Avec qui je peux prendre autant de bière que je veux sans avoir à m'inquiéter de ce qui adviendra. Quel plaisir d'avoir passé deux soirées avec lui dans NOTRE bar, le Eskici Pub de Taksim. J'avais l'impression d'avoir de nouveau 18 ans. Merci de m'avoir fait oublié que j'approche 35 ans, mon Dauphin.

8) Zeynep.
La belle Zeynep a qui j'ai enseigné le français pendant plusieurs semaines par internet m'a fait l'honneur d'une visite surprise pour la St-Valentin. Une belle rencontre pour moi, pour notre premier face à face. Et un superbe souper de Valentines au Adi Bahçe de Sakarya. Un délice.

9) Dahab
J'ai découvert Dahab par accident. Le fait que Dahab soit plus sécuritaire que le Caire a guidé ma décision de retourner en Égypte et Dahab est devenu le point de rencontre choisi par Hend et moi pour vivre nos retrouvailles sans soucis. La Dahab que j'ai découverte était d'une beauté époustouflante, avec une de ces mers désarmantes, d'un bleu, d'un vert, d'un turquoise, d'un gris ... Les montagnes effilées du Sinai transperçaient le ciel de leurs pics incisifs, comme des gardes du corps toujours prêts. Quelle splendeur. Quelle grandeur. Quelle authenticité. Car Dahab, même si des touristes s'y attardent, reste une bourgade de bédouins avec des vraies boutiques locales, des prix raisonnables et un petit côté si exotique avec ses chèvres de rue, ses dromadaires, son vent démesuré, les palmiers de dates... Si vous voulez vous trouver un bout de paradis qui vous donnerait l'impression de posséder le Monde, c'est à Dahab qu'il faut aller. C'est là que l'on peut atteindre le Ciel.

10) Istanbul
Oui, mon amour inconditionnel. Istanbul sent les épices, le pain frais et la mer. Istanbul et ses bars alternatifs, et ses cafés perchés sur la grève comme des pigeons sur un perchoir, Istanbul et ses vendeurs de noix, ses liseurs de marc de café, ses aubaines, ses ponts et ses ferryboats. Istanbul et son streetfood. Istanbul et ses trois équipes de football. Istanbul qui devient musique à toute heure du jour et de la nuit.

Oui, mes dix moments sont des personnes. Incluant 9 et 10. Car souvent des lieux sont plus vivants de les humains eux-mêmes.
Je suis marquée par les gens, cette fois-ci. Mon palmarès est imprégné par mes émotions, mes amitiés, mes rencontres au fil du temps.

Je vais terminer ce voyage 2014 en vous souhaitant de rencontrer des amis aussi merveilleux que les miens. Parfois, il faut se mettre à nu et oublier tout ce que l'on connait du monde pour faire les rencontres qui marqueront notre vie. N'oubliez pas d'ouvrir votre esprit le plus large possible et ne cessez jamais de considérer que ce qui est vrai pour soi ne l'est pas toujours pour votre voisin. Ainsi, les vraies rencontres auront lieu.

Je vous aime.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire