Bon...
C'est un drôle de titre pour un billet, ça, hein ?
Mais il n'y a que de la vérité dans tout cela ! Oui, oui. Bizarrement, ma journée a commencé par des larmes de monsieur.
Je vous raconte ma matinée, parce que j'ai le temps. Il est presque 13h30 et là, c'est trop chaud pour la plage ou pour aller marcher. Une chance que je me suis levée tôt.
Ça commence donc comme ça:
Je me lève et viens prendre mon petit déj dans le jardin frais et ombragé de l'hôtel, qui soit dit en passant, est une pure merveille. Je reviendrais ici si j'avais à revoyager à Antalya un jour. J'ai vraiment un don pour trouver les meilleurs hôtels. C'est peut-être de la vantardise, mais habituellement, je ne me trompe pas. J'ai une technique de recherche sur internet qui est presque infaillible: je recoupe mon info à plusieurs reprises pour comparer les avis des voyageurs. C'est évident comme technique. Quand j'ai lu une trentaine d'avis de voyageurs, j'adhère. Pas avant. Et je fais beaucoup confiance à Tripadvisor, le célèbre site web où vous êtes le maître des commentaires...
Donc, je prends mon p'tit déj, et je décide de sortir avant que le soleil ne soit trop haut, et surtout trop chaud. Peine perdue, on crevait déjà ! Je voulais aller zyeuter les boutiques sans but précis et faire un tour à la Marina, pour y regarder les bateaux. J'aime les marinas, en général. J'aime l'ambiance de bord de mer. Ça bouge tout en restant cool.
Puis, comme "très chaud" s'est métamorphosé en "incroyablement chaud" en une fraction de seconde, je suis entrée dans une boutique de thés divers et autres délices turcs, comme les loukoums, le tabac à nargilé, etc., pour profiter d'une toucher d'ombre pendant cinq minutes. Les deux propriétaires étaient là, un jeune homme assez mignon qui rigolait de mon accent turc, et un monsieur d'un âge plus avancé (je dirais fin cinquantaine.) très vivant et cultivé, qui m'expliquait tout! Ils commencent donc à me jaser ça, tout en servant les clients dans pleins de langues. Le monsieur plus âgé parlait le russe, le français, l'espagnol, l'anglais et une bonne base d'allemand. Pas dur de s'en rendre compte; il s'adressait à tous ses clients dans leur langue maternelle et réussissait à entretenir des conversations avec eux. Ils m'offrent un thé, puis un autre. Là, je me rends compte que le monsieur me trouve de son goût. Il tente d'entrer dans ma bulle, ce qui n'est pas normal pour un homme turc. Ça, je le sais, maintenant que j'ai vécu avec des Turcs et que je connais leurs habitudes. Il mettait sa main dans mon dos en me parlant, ou sur mon épaule... Ça, c'est le premier signe de "cruise" qu'il faut bloquer, sinon, après, ça devient des mains baladeuses. Alors, je le stoppe tout de go, en turc:
"Evliyim (je suis mariée) ve mutluyum (et heureuse). Je ne cherche pas d'aventure, et ça ne sert à rien d'insister."
Je le regarde droit dans les yeux en disant cela, sans être fâchée. Juste directe.
Le Monsieur rougit très rapidement. Parce que je me suis adressée à lui en Turc. Là, il comprend que je sais comment ça marche. Il recule, un peu piteux et s'excuse. Il se mort la lèvre tellement il est embêté.
"Je ne devrais pas. Je sais. Mais comme tu es seule ici, j'avais cru que tu serais peut-être intéressé que quelqu'un prenne soin de toi", qu'il me dit, honnête.
Il m'offre ensuite un autre thé en guise d'excuse, que j'accepte, car après tout, il avait l'air sincère et je me rendais bien compte que c'était malgré tout un homme brillant. Je l'avertis que c'est un thé sans invitation autre, par contre. Il s'installe donc dans sa boutique à côté de moi, et garde le silence en regardant ses mains. Puis, il voit mon alliance, la touche du bout du doigt et me dit: "Tu as de la chance d'être avec quelqu'un que tu aimes. Et parce que tu es ici avec moi, malgré tout, même si j'ai été grossier et avec l'intention de te faire la cour, tu prouves que tu es une vraies sweetie, un coeur pur".
Là, je me dis: "bon bon bon, il va maintenant tenter la technique du monsieur-qui-fait-semblant-d'avoir-de-la-peipeine-pour-avoir-du-sexe-gratos-avec-les-p'tites-touristes-qui-ont-pitié-de-lui". Typique technique d'Angus men. lol
Mais non. Il me regarde à peine, et commence à me parler un peu de tout et de rien. Là, je me rends compte (la psy en moi se réveille soudainement!) qu'il est très seul. Je ne sais pas comment je me suis rendue compte de ça, mais je le lui ai dit:
"You look like a sad man". (vous avez l'air d'un homme triste).
Et là... Il se met à pleurer. Boum. L'orage. Ou le déluge.
Wow.
Au début, les yeux sont devenus rouge, et il a ravalé un petit sanglot in-extremis. Il a baissé la tête. Mais je ne suis pas folle. J'ai déjà vu ça, du monde pleurer. Je lui demande en turc: "C'est bien des larmes que je vois?"
Ouin...
Les larmes sont devenues les chutes de Manavgat que j'ai visité avant-hier, en deux secondes et demi.
Le torrent ! Le torrent inavoué qui finalement se fracasse sur les vieilles joues ridées. Et on était loin des larmes de croco, là. Je venais de toucher la corde sensible, et de ce fait, son âme. Son âme seule. Je venais de lui faire mal.
Et là, je dis à l'autre (le jeune): "Je le sors prendre un café".
Le jeune homme, bouchée bée, me fait un signe affirmatif de la tête.
On s'installe sur une petite terrasse, en diagonale de la boutique,, près de la rue passante. On commande deux cafés turcs "orta" (moyennement sucrés), et là, je lui demande de me raconter pourquoi il fait des avances aux touristes comme un idiot, lui qui semble si brillant et qui parle plein de langues. Et surtout, pourquoi il vend du thé quand il semble être très instruit. Il me raconte tout.
Tout tout tout.
Il me dit qu'en 1985, quand il était une petite jeunesse, il était marié avec une très belle femme et vivait dans la région d'Ankara. Il travaillait pour le Ministère de la Santé, à cette époque. Puis, on l'a muté dans une ville côtière de la Méditérannée, pour travailler comme inspecteur au port de mer. Cependant, en six mois, on l'a remuté 5 fois, dans des villes différentes. À cette époque, il y avait des problèmes au Ministère et il y avait beaucoup d'instabilité politique, en plus. Il n'a pas été capable de supporter. Il a fait une dépression et a démissionné sur un coup de tête. Quand il est revenu à la maison, ce soir-là, sans emploi, sa femme, qui avait aussi tout sacrifié pour le suivre, n'a pas accepté sa décision. Ils n'avaient pas encore d'enfants, et elle a donc demandé le divorce.
Alors voilà.
Il s'est retrouvé seul et sans emploi, et comme il avait un peu d'économies, il a déménagé à Antalya pour pouvoir bénéficier de l'achalandage touristique et être son propre patron. Mais depuis, il ne s'est jamais remarié. Et étant plus jeune, c'était facile pour lui de trouver des aventures de vacances, pour deux, trois jours, une semaine tout au plus, pour noyer sa solitude et ensuite passer à autre chose, continuer sa vie de vieux garçon. Il n'a jamais pu s'engager de nouveau, et comme il avait déjà été marié, les femmes convenables ne voulaient pas de lui. Les remariages ne sont pas évidents, dans ce pays, autant pour les hommes que pour les femmes.
Je suis là, à boire un café en écoutant un étranger raconter sa solitude. Il n'y a qu'à moi que ça arrive... et ça arrive tout le temps. J'ai toujours su toucher les gens, à ma manière. Les turques (les femmes) ont tendance à me parler en turc en riant, et même si je ne comprends rien, elles continuent. Özlem m'a expliqué qu'ils agissent comme si j'étais turque, ils me considèrent comme étant de leur famille ou de leur entourage, parce que j'ai un petit quelque chose qui leur donne confiance en moi. C'est fou, hein ?
Ben là, je constate un peu la même chose avec ce monsieur, Cenzig, de son prénom. Il a vidé son sac, s'est essuyé les yeux, et là, j'ai pris sa main et je l'ai serré en lui disant: "je ne suis pas la bonne, mais il y en aura forcément d'autres. Et il m'a tout de suite dit: "Je suis triste, mais j'ai le coeur d'un jeune homme de 17 ans". J'ai répondu que Oui (evet).
Il s'est ensuite mis à m'appeler "my sweetie" et "mon ange" en turc (tatlem et meleğim). Je l'ai laissé faire. Ça lui faisait du bien de croire que j'étais son ange, pour deux secondes.
Puis, je l'ai remercié. Il a payé mon café. Et je suis partie, après lui avoir fait un bisou sur la joue.
Voilà.
Je voulais vous raconter cette histoire, parce que ça m'a beaucoup touché. J'aurais pu sortir de sa boutique en claquant la porte, au tout début, puisqu'il me faisait des avances. Et je ne l'ai pas fait. Pourquoi ? Parce que je ne me suis pas sentie en danger, et pour le danger, j'ai un instinct très fort. J'ai un radar à danger. Je me mets facilement en contact avec les gens, mais j'ai un instinct prudent de nature.
Même Özlem, qui passe son temps à dire qu'elle ne sait pas reconnaitre le bien du mal, car elle a été surprotégée dans sa jeunesse, sait que je suis très fiable en matière de reconnaissances des signes du danger potentiel.
J'ai donc continué ma route après cette rencontre étrange et intense, qui aura duré un gros 30 minutes.
Je suis entrée dans une autre boutique, juste après, pour essayer des souliers (ben oui, des souliers! mdr) et le jeune vendeur a été beaucoup moins touchant, lui... en me disant au bout de deux minutes à me faire enfiler des chaussures que j'étais super belle, avec de beaux yeux océan et... une belle grosse poitrine ferme.
What ?????!!!!
Viens-tu de me dire que j'ai une belle grosse poitrine ferme, "toé" là ?
J'ai pas eu le temps de répondre qu'il a balancé à un couple irlandais qui venait d'entrer que j'étais sa femme.
MDR. Je pars d'ici. J'ai pas de temps à perdre. :P
À chacun ses tactiques de charme.
Mais j'suis quand-même contente, car il a dit: "ferme". ahahahaha
Donc mon avant-midi en terre "angus" s'est terminée ainsi. J'ai acheté une bouteille d'eau dans un büfe (dépanneur) et j'ai pas payé ma bouteille, parce que je parle turc et que le commis a trouvé ça mignon comme tout quand j'ai sorti mes lira en demandant: "ça coûte combien ? J'ai si chaud!".
:P
Faut croire que mon turc est un gros plus ! D'ailleurs, la plupart des hommes pensent que je suis mariée à un turc. Ils me disent: "oh tu parles turc! Ton mari est d'ici, hein?"
Ben non, mon mari est de Sainte-Blandine.
Mais il a une face de turc, quand-même, mon beau noir.
Sur ce, je quitte Antalya ce soir sur le bus de 21h30. J'arriverai demain à Adapazarı, vers 6h30 du matin. Je vais peut-être croiser Alper sur les quais de la centrale, lui qui prend le bus pour son boulot à 7h du matin.
Il me reste maintenant moins d'une semaine en Turquie, mon coeur saigne déjà, mais je suis heureuse. Je vais revoir mon amoureux bientôt. C'est au moins ça.
Et je reviendrai. Maintenant, j'ai des amis sincères dans ce pays. J'ai pris confiance en mes facultés à bien parler la langue... et je commence à me sentir assez en confiance pour lancer des phrases qui surprennent toujours et font bien rire. On me comprends toujours. On admire l'intérêt que j'ai pour cette langue, et je fais vite partie des meubles, je crois.
Et il me reste trois belles journées à Istanbul pour m'éclater au max, avant le retour aux choses sérieuses. Le marc de café a dit une chose: J'aurai au moins un enfant et il connaitra la Turquie. J'ai décidé que je voulais croire la magie du café. Pourquoi pas ? Ça sonne si bien à mes oreilles !
Hadi görüşürüz !
Je vous réécris de Sakarya, gang de chanceux !
Bisous
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