mercredi 30 mai 2012

Un vrai pique-nique de sacoches ...

Deux choses à retenir dans le titre de ce billet: Pique-nique (donc bouffe) et sacoches (donc madames).
Ma journée ne se résume pas qu'à cela, mais ces deux termes en ont dicté l'essence.

Sibel est une des belles-soeurs d'Özlem. Elle est la soeur d'Alper, en fait, mais pourrait bien être sa mère, car Alper a à peu près le même âge que son cousin. Sibel est très accueillante et bienveillante. Elle m'a souvent reçue chez elle depuis Août 2011. Sibel, elle suit un cours d'interprétation coranique avec d'autres madames. Le groupe dont elle fait partie organise aussi des activités sociales et des voyages. Aujourd'hui, c'était une journée de pique-nique. L'endroit prévu: une petite base de plein-air située à environ une heure de la grande Sakarya, sur la rivière du Lapin, et supposément près d'un Lac (Süçlülük gölü, carrément Le lac des Sangsues, en français!) Comme le groupe avait réservé un autobus ayant 20 places, mais qu'elles étaient 14, on nous a invité. Comme ça, tout bonnement. Même si je ne fais pas partie du club. On paie 15$ par personne, et ça inclut le transport en bus, un souper complet, et l'accès à la base de plein-air. Les madames prévoyaient bruncher sur place. Elles s'étaient donc données chacune la tâche de préparer un truc et pour Özlem et moi, c'était donc un pique-nique "clé en main".

J'arrive avec Özlem vers 10h du matin à la Mosquée de Kahraman, lieu de rassemblement obligé pour un club d'interprétation coranique. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre. Oh my God ! L'accueil fou des madames, excitées comme des gamines d'avoir une "étrange" avec elles pour la journée ! Et encore pire, une étrange qui comprend  à 40% environ  le Turc et le parle, ma foi, de mieux en mieux. Moment de folie totale ! On est au total 18 personnes à faire la route, dont deux enfants (une fillette et un p'tit gars). Ça m'embrasse, ça me flatte les cheveux, ça me reçoit à coups de "Hos Geldin!" (bienvenue).
Là, je regarde Özlem et je lui demande si j'ai besoin d'un foulard pour mes cheveux. Elle et moi, avec Sibel, on est les trois seules à être sans voile. Non, une quatrième "sans voile" arrive.

Ôzlem de me dire: "nenon, relaxe, t'es en Turquie ici !".

Comme si cette expression devrait me sonner une cloche. hi hi hi.

"Ici, t'es pas obligée. Tu dois porter un voile dans les mosquées ou les sanctuaires religieux, c'est tout. Relaxe! Moi non plus j'en porte pas, pis j'en ai même pas un dans ma sacoche au cas où", qu'elle me dit en riant.

Si elle le dit, je vais la croire.
Ça piaille fort, ça rie à gorges déployées, ça caquette. L'énergie est super.
Le propriétaire de la base de plein-air vient nous chercher. Première surprise: y'a juste 15 sièges et on est 18. Les madames pètent toutes une coche en même temps. "Vous nous aviez dit un bus de 20 personnes, nous on a invité trois personnes de plus, bla bla bla"...

Pas grave, on est en Turquie. Une madame emprunte trois tabourets de plastoche à la mosquée, on installe des madames dessus dans l'allée centrale du bus, et on part.

La route est sublime. On s'enfonce dans la campagne de la province de Sakarya, on passe des villages pittoresques, il y a des montagnes qui me surprennent pas leur hauteur, un peu partout. Des bergers promènent leur troupeaux de moutons sur le bord de la route. La route s'entortille. On dirait une grosse brioche à la canelle.

Arrivées à la base, notre gang de madames s'extirpe du bus, et se garoche sous les auvents pour dresser la table du "pique-nique brunch". Je les regarde faire et je commence à capoter. Y'a de quoi nourir une armée ! Débile ! Et y'a rien de plus traditionnellement truc que ce que mes yeux découvrent.
Je vous ai  déjà parlé, l'an passé, de l'Importance du petit déj en Turquie... Hé bien, vous allez mieux comprendre ici.
On me sert, sans me demander si j'en veux: des boulettes de boulghour aux piments (très épicées), des dolmas (feuilles de vignes marinées farcies au riz), des petits pains farcis à la viande et aux légumes, des böreks (genre de feuilletés filo) aux oignons, de la salade de tomates, du gâteau aux noix, des petits pains au sésame fourrés au fromage, du beyaz peynir (la féta turque), du kasar (fromage qui ressemble à de la mozzarella), du fromage éfilloché, des olives au citron, de la confiture de fraises maison, de la confiture de pommes maison, un oeuf bouilli, du pain de blé, du thé et des biscuits.
Özlem et moi, on mange comme des truies. Sincèrement, on a un peu abusé... Mais vous savez, quand tout est fait maison, ce qui était le cas ce matin, on ne veut froisser personne. On goûte à tout, on se bourre l'estomac, et on se dit qu'on ira marcher après pour faire passer le tout.

Après, on se met franchement à rigoler. Özlem, Sibel, une madame crampante et moi, on trouve des dépliants de la base de plein-air... Sur lequel il est écrit que le personnel souriant était disponible pour nous... Avec une photo d'une gang de gars avec une face de mort pour illustrer le tout.

Voyez par vous-mêmes:

 Bref. Y'a pas grands sourires là-dessus... Mais la madame... La fameuse madame crampante... Elle a passé la journée à caller les p'tits jeunes qui travaillaient en leur montrant le feuillet et en leur disant de sourire.

Après avoir fait le tour de la base de plein-air, on se demandait y'était où le fameux lac des Sangsues. Le proprio nous dit: "à 1300 m. sur la montagne, mais on ne peut y aller présentement". Là, le chialage recommence en choeur. "Ouais, mais vous nous aviez promis un lac, on veut le lac."  ou encore "Un p'tit bus au lieu d'un gros, pas de lac au lieu d'un lac..."
:D
Des Turcs qui gueulent, by the way, ça parle aigü en p'tit péché. C'est pas difficile de se rendre compte qu'il y a du mécontentement dans l'air. Pas besoin de parler turc, croyez-moi. Finalement, Sibel s'en va jaser toute seule avec le gars et nous revient en disant ceci:
"On peut aller au lac, mesdames, il accepte de nous y emmener, mais la route est terriblement dangeureuse et c'est très risqué de s'y rendre. Qui veut venir, lève la main".
Et elle lève sa main. Elle fait un clin d'oeil à Özlem en même temps, qui lève sa main. Et moi qui suit Özlem, évidemment. Au total, on est 7 à lever la main.
Plus tard, sur le chemin du lac, dans la voiture du Proprio, Sibel rigole en disant qu'elle a exagéré le danger expressément pour que les madames peureuses s'abstiennent, car le chauffeur ne pouvait pas prendre plus que 7 passagers dans sa van. Stratégie ! Stratégie ! Stratégie! Bravo Sibel ! Car en fait, même si la route m'a effectivement transformée en fantôme tellement j'ai blêmi (des méandres d'une route minuscule montaient 1300m, avec un dénivelé douteux... pis la route était en terre et en garnotte, avec des gros nids de poules causés par la pluie), le lac en valait la peine, mais alors là, OUI ! C'était d'un vert émeraude fabuleux ! Le son de dizaines, voir de centaines de grenouilles s'élevaient, signe que le lac était en excellente santé. Sublime ! J'avais jamais vu un lac aussi vert de ma vie ! L'eau était de la même couleur que les arbres, et ceux-çi se réflétaient dans les flots tranquilles.
Mine de rien, après toutes ces aventures, il était 17h lorsque nous sommes revenus à la base. L'heure de souper. Ouf ! J'avais encore mon brunch dans la bedaine... Mais bon, le souper était inclus... On nous arrive avec des salades turques (oignons, tomatrs, concombres, piments et une huile d'olive parfumée aux herbes), et la fameuse Mihlama (soupe au beurre et au fromage, qui ressemble à la fondue suisse, version turque), et des pains en forme de roues. Puis, j'ai droit à un poisson entier gratiné au kasar cuit "güveç", à la casserole, ou si vous préférez, sur une petite plaque de fonte servant aussi d'assiette. Le poisson, le alabalik, est élevé en pisciculture sur place, donc il est très très frais. On nous sert aussi des champignons gratinés cuits sur une plaque de fonte. Pour équilibrer le tout. Non mais, je roule ! C'est un des meilleurs repas que j'ai mangé de ma vie ! Je ne peux tout simplement pas vous décrire les saveurs. Trop intenses. Mais je vous laisse quelques photos de ma journée, pour que vous puissiez vous imaginer un tant soit peu de quoi avait l'air cette journée de sacoches.

Au retour, lorsqu'on s'est engouffrées dans le bus trop petit pour nous toutes, le chialage a repris de plus bel.
"Madame Crampante" a lancé un retentissant: "Fermez-la, vos maris vous attendent".
Et tout le monde a pouffé de rire.

Même le chauffeur.
Elle lui a lancé : "ahhhh ! Personnel souriant!!!", pour mettre un terme à cette journée.
J'ai bien rigolé.



 Moi, Özlem et Sibel, en pleine dégustation d'un café turc

 Portrait de femmes extraordinaires qui ont fait de cette journée un plaisir pour moi

 Les colorées du jour ! :)

On boit un thé pour "équilibrer" notre estomac, après cette orgie de bouffe au brunch.


 Pour votre info, au Lac aux Sangsues, y'a pas de sangsues... Mais y'a des grenouilles ! À la dizaine !


 Les roses sont en fleurs, ici. Ça sent merveilleusement bon.

 Moi, encore fébrile après la "rail" de char en montagne, et toute ébahie de découvrir
ce lac d'un vert décadant.


 La fameuse "Mihlama", une soupe au beurre et au fromage (plusieurs sortes de fromages), parsemée de canelle. Un met de la région de la Mer Noire, traditionnellement.


Madame Crampante et moi, en pleine action. Oui, ça se mange de même, by the way.

 Humm... Mon alabalik entier, un bon poisson blanc tout frais et gratiné de Kasar, un fromage turc, ici avec du citron et des tomates confites.

 Première assiette de mon brunch: Des concombres, des olives citronnées et un Börek aux oignons
 Deuxième assiette: du kasar, du fromage effiloché, une salade de tomates et du pain de blé avec de la
confiture aux fraises maison. On voit en arrière-plan le boulghour épicé et mon thé turc.
D'autres assiettes ont suivies, d'ailleurs.

 Les belles-soeurs: Sibel et Özlem. Sibel est l'ainée de 7 enfants, et Alper, le mari d'Özlem, est le septième trou de la flûte, comme on dit ici.

 Des coins-coins qui dorment ! Sur une patte et les yeux ouverts ! J'avais encore jamais vu ça.

 Hummm... La fraîcheur d'une rose en matinée...

 Özlem, ma soeur turque. :) Y'a de ces rencontres, parfois, qui nous marquent à jamais.

 La gang de sacoches en scéance de placottage intense.

 Süçlülük Gölü

 Sibel et moi au Lac. J'aime beaucoup Sibel, car elle m'a toujours considéré comme une des leurs, depuis que je la connais. Grâce à elle, entre autre, je ne me sens plus étrangère dans le coin.

 Même panorama, angle différent.

La fameuse mosquée de Kahraman, celle où je suis allée la semaine dernière. Kahraman, c'est le "quartier-ville" d'Özlem, à Sakarya. Un peu le Ste-Blandine de Rimouski, car c'est en hauteur ;)

Cette mosquée ressemble à un bonbon. Je la trouve superbe ! 

mardi 29 mai 2012

Différentes régions, mais mêmes préoccupations

Je lis les nouvelles canadiennes sur src.ca et je regarde le téléjournal turc à la télé.
Un constat: différents pays, mêmes préoccupations.

Au Canada, on manifeste contre des lois qui brîment la liberté d'expression. On a eu dernièrement une loi spéciale contre les grèves chez Air Canada.
Hé bien, en Turquie, c'est pareil. Aujourd'hui, une énorme partie des employés de la très prospère Turkish Airlines, le "Air Canada turc", est entrée en grève, pour protester contre un projet de loi visant à interdire le droit de grève dans le secteur de l'aviation civile. Ça manifestait fort, croyez-moi ! La plupart des vols ont été perturbés à Atatürk. Êtes-vous surpris d'apprendre que le gouvernement Erdogan est un gouvernement conservateur, comme celui de Stephen Harper ?
:D

Ce même Erdogan s'est prononcé contre l'avortement, ces dernières semaines, et tente d'ouvrir le débat.
En Turquie, l'avortement jusqu'à 10 semaines de grossesse est permis depuis très longtemps. C'est un droit acquis. Surprenant pour un pays si croyant et pratiquant. Or, Erdogan, le chef d'État,  a dit publiquement qu'il considérait cela comme un meutre. Toutes les associations féministes se sont levées d'un coup, et l'opinion publique est très en défaveur de la réouverture du débat, mais le chef  y tient. Il a perdu beaucoup de plumes dans l'opinion publique, mais il s'entête. Ça va mal tourner.

Il s'est en même temps prononcé contre la césarienne sur demande, une pratique très très répendue en Turquie. Plus de 50% des femmes ont reccours à la césarienne sur demande, un service payant très lucratif pour les docteurs. Évidemment, les femmes clâment avoir le droit de disposer de leur corps comme bon leur semble, et les docteurs, tout en admettant que la pratique de la césarienne devrait être mieux encadrée, clâment le droit de répondre à la demande. Ça barde ces jours-çi en Turquie. Que des sujets de société.

On a un débat similaire au Canada, en lien avec l'avortement. On a le droit depuis longtemps et Harper et sa gang tentent de remettre le tout au goût du jour. J'espère qu'ils échoueront amèrement dans leur quête de réduire la femme à un rien, encore une fois. Pour ce qui est de la césarienne sur demande, le débat est inverse. On tente désespérément d'obtenir ce droit, au Canada. Pour le moment, la pratique n'est pas permise, quoi que bien des docteurs la pratiquent "par en-dessous". On connait tous quelqu'un qui prétend avoir eu une césarienne sur demande.

Autre sujet chaud, au Québec du moins : On parle beaucoup du Plan Nord, et des ressources vendues au premier offrant, souvent à bas prix.  Hé bien ici, un méga projet hydro-électrique mettant en péril un site faisant partie du patrimoine mondial de l'Unesco a échoué, il y a quelques années. La ressource hydro-électrique allait être vendue à bas prix à des intérêts suisses et des villes complètes allaient être relocalisées.  En fait, le projet n'est pas encore annulé. Il est suspendu, pour manque de fonds, puisque les pays qui devaient financer le tout (Allemagne, Suisse et Autriche) ont retiré leur promesse de financement, suite à la contreverse causée par les domages collatéraux de ce mégaprojet.
Pour de l'info supplémentaire:
http://en.wikipedia.org/wiki/Il%C4%B1su_Dam


Ouais. Ça se ressemble beaucoup.

J'ai l'impression que bien des sociétés en sont à une même réflexion sociétale. Les bobos s'avèrent presque identiques. La droite prend de l'ampleur partout dans le Monde.
C'est inquiétant ! Surtout que notre bon vieux système capitaliste en arrache, depuis quelques années. Si on utilise un système qui ne répond plus aux besoins de la majorté comme refuge parce qu'un gouvernement nous dicte de le faire, on est une belle bande d'idiots.

La droite, ça n'a pas souvent aidé à réduire la pauvreté et à améliorer les conditions des femmes en général. Dites-vous que ça ne changera pas. La droite, c'est contre les positions environnementales, c'est le dada des riches qui peuvent se payer l'assurance santé, ou le billet en première classe.  J'suis pas de droite. J'accepte le centre, le centre-gauche, la gauche. Je ne suis pas extrème-gauche non-plus, car je conçois que l'économie a de l'importance, tout de même. Mais j'ai mal au coeur à l'idée que partout dans le Monde, les femmes aient encore à justifier l'importance de disposer de leur propre corps. En Turquie, au Canada, aux USA, paradis des attaques surprises dans les cliniques de planning par des groupes pro-vies désaxés, et ailleurs.

J'ai aussi de la peine qu'on ne puisse pas s'enrichir via les autres cultures, de peur de l'autre, justement. En Amérique, on craint les Musulmans. Dans les pays musulmans comme la Turquie, on craint l'Amérique.  Pourtant, regardez bien l'actualité mondiale.

Différentes régions, mêmes préoccupations.
Pensez-y.

dimanche 27 mai 2012

C'est ça la vie

C'est ça la vie ...
C'est avoir une routine.
C'est des gens que l'on croise à tous les jours, beau temps mauvais temps.
C'est la famille.  Coûte que coûte.

Ce sont des moments où l'on se bidonne en regardant la télé, tard le soir.
C'est l'heure du thé. L'heure du thé à tout moment.
C'est l'attente d'un bus un brin en retard.

Ouais. C'est tout ça.
Et +++.

Ça fait quelques jours que je vis une douce routine ici. C'est ce que je voulais. C'est ce que je planifiais. Je ne me sens plus pressée de tout voir, de tout goûter. Je veux juste respirer au rythme turc pour encore quelques jours, avant d'aller m'endiabler les neurones dans la trépidente Istanbul, d'où je vous donnerai moins de nouvelles, du moins pendant une semaine.

Donc, le super plan, c'est de rester  à Sakarya jusqu'au 2 juin. Le deux, je pars pour Istanbul retrouver des amis, dont un ami égyptien qui voyage avec un autre ami pour une méga scéance de magasinage, comme il fait à chaque année, et aussi (surtout) m'isoler pour écrire, ce que je n'ai pas fait depuis des siècles. Je me l'étais promis; je vais prendre le temps de le faire. Je resterai là-bas jusqu'au 8 juin, jour où ma belle petite Hend arrive du Caire sur Egyptair pour passer les derniers jours de mon aventure avec moi. Ça va passer follement vite ! Je suis déjà surprise qu'une semaine se soit écoulée depuis mon arrivée.

Depuis trois jours, je peux vous dire que je fais le "pacha" à l'appartment de mon amie, regardant la télé, sortant en fin de journée pour visiter des amis, etc.
Je vous avais parlé de ma visite à la faculté des Religions, jeudi dernier. Nous y sommes retournées, Özlem et moi, ce vendredi, pour obtenir les livres promis. Trois jeunes chercheuses en religion nous ont reçues. Les trois, habillées de vêtements traditionnels islamiques (voile, long manteau par dessus une jupe et un pantalon), nous ont offert un rafraîchissement dans leur bureau. Nous nous sommes mis à parler de tout et de rien, de leurs études, d'Istanbul, de choses de girls, d'où les trois provenaient, de leurs voyages, puisque les trois avaient peaufiné leur spécialité à l'étranger... L'une des filles était spécialisée en Études Juives, la deuxième en Psychologie des Religions et la troisième en Interprétation Coranique. Trois champs totalement différents, évidemment. L'une des filles, Merve, a particulièrement fraternisé avec moi, et comme elle savait que je retournais à Istanbul en fin de voyage avec mon amie égyptienne, elle m'a invitée à l'y rencontrer, histoire de faire un peu le tour des grandes mosquées de la rive asiatique d'Istanbul, rive que je ne connais à peu près pas. L'invitation est alléchante. Je crois que je vais l'accepter. Elle est charmante et souriante, et j'aimerais mieux la connaître.
En sortant de la faculté, vendredi, il était près de 17h, mais nous avions rendez-vous avec Nurdan pour une dernière bise avant son départ pour le mariage, à 20h. Özlem et moi avons donc décidé d'aller se promener dans un marché intérieur pour zyeuter la marchandise, puis d'aller s'écraser dans un café du centre-ville pour dévorer un Kumpir, la fameuse patate garnie turque, un fast food des plus prisés. Cihan, le cousin d'Özlem, est venu nous y retrouver. Il est professeur au primaire dans un village de la province, mais vient en ville les fins de semaines pour des fins d'études. Il est à la maîtrise. Le garçon est vraiment gentil. Je le connais depuis septembre et à chaque fois que je le vois j'apprécie beaucoup sa délicatesse et son sens de la courtoisie. Il vient donc nous retrouver, on se marre en turk-lish et Özlem lui laisse ses clés pour qu'il puisse se rendre à l'appartement. Il dormira dans le salon, cette fin de semaine, car c'est moi qui a la chambre d'invités. Özlem l'héberge tout le temps lorsqu'il est à Sakarya. C'est l'hospitalité turque.
Puis, on se rend chez Nurdan. Nurdan est fort heureuse de nous voir la binette. Elle se marie demain (samedi) et part pour Istanbul s'installer avec son mari dans le nouvel appartement de Pendik, sur la rive asiatique de la métropole. Nurdan semble nerveuse. Je lui demande si ça va et elle me raconte qu'elle est heureuse de se marier, mais inquiète pour la nuit de noces. Évidemment, tout ce qui touche aux relations intimes n'est pas vécu de la même façon, dans un pays plus conservateur et en Amérique. Nous, on a des acquis que les femmes ont ici seulement à la nuit de noces. Pas évident. On en parle donc un peu, à voix basse, elle, Özlem et moi. Je tente de faire de mon mieux pour lui confirmer certaines choses. Elle est soulagée de me parler. Ici, c'est un peu (beaucoup, à la folie) tabou, voyez-vous. J'ai l'impression d'être projetée vers une époque antérieure, soudainement. La sensation est étrange. Je suis comme une maman. Sauf que dans les faits, je n'en suis pas une. Je dois faire attention à ne pas trop donner de détails, car son mari pourrait penser qu'elle en sait trop et qu'elle n'est donc pas vierge. Mon petit côté féministe s'active; j'aime pas trop que des femmes soient laissées dans l'ignorance, comme si elles étaient stupides ou faibles. Cela dit, j'aime la douceur qui se dégage de cette conversation à trois. Il y a de l'espoir dans cette conversation. Et j'y crois. Je me rends compte d'une chose: chaque pays doit évoluer à son rythme. Si on pense faire de certains pays des clônes du nôtre, aussi bien abandonner tout de suite ! Les valeurs, même si elles semblent les mêmes, ne le sont pas toujours. Et on ne détient pas la vérité absolue, même si on le croit dur comme fer. La preuve: les manifs qui ne cessent pas, au Québec. Même chez nous, on doit changer des choses. Y'a pas juste au tiers-monde que ça fait dur.

Mon constat de la journée: Dieu merci, j'ai pas peur des gens ! Parce que j'en rencontre à la tonne, et certains sont terriblement enthousiastes à l'idée que je sois ici. Résultat: on m'invite partout, j'ai plein de nouveaux contacts facebook, j'ai des cadeaux, je bois du thé à n'en plus dormir, et je dois surtout me forcer le cul pour parler une langue terriblement ardue car ce ne sont pas les Turcs qui vont me parler dans la langue de Shakespeare. La plupart n'ont aucune connaissance des autres langues. Donc merci merci merci mon Dieu, je suis à l'aise avec le monde. :D


Qu'est-ce-que j'ai fait en fin de semaine ? J'ai végété. Agréablement végété. Samedi soir, j'ai trouvé un feed pour regarder Lucian se faire battre en 5 rounds (pas de détails, tout a été dit dans les médias) et j'ai aussi vu la finale de l'Eurovision à la tivi avec Cihan, Endam et mon couple d'amis. L'Eurovision, c'est un concours annuel de chant où chacun des 42 pays participants (presque tous de l'Europe, plus Israël) présente un candidat et les gens de toute l'Europe peuvent voter pour leur préféré. C'est interdit de voter pour son propre pays. Les numéros sont... disons-le, assez variés en talent et en qualité. Cette année, un pays se démarquait par... son audace : La Russie avec les Babuchkis (grand-mamans) chantantes.

http://www.youtube.com/watch?v=WKNRGc71hjc

Amusez-vous un peu à voir le numéro. Je vous laisse juger. Juste pour vous dire, les mamies ont terminé deuxième. C'est la zombie suédoise qui a gagné. La France, elle, avait misé sur la très connue Anghun pour son concours, mais s'est royalement planté car aucun pays n'a placé Anghun dans son top 10.  Assez gênant !
J'ai aimé le numéro de la Roumanie, qui chantait en espagnol, bizarrement...

http://www.youtube.com/watch?v=uEwJrFmMxrg

On s'est fait une p'tit party "Eurovision" chez Özlem, avec toutes les cochonneries à bouffer possibles. C'était en Azerbaïdjan, cette année... Et étrangement, je comprenais leur langue ! J'ai dit à Alper: "Pourquoi les présentateurs parlent turc, en Azerbaïdjan?" Et lui de me répondre: "Non, c'est leur langue. Mais c'est une forme de turc. Comme en Ouzbékistan, au Turkménistan, etc. Si tu parles le turc, tu peux comprendre ces autres langues si tu te forces"...

Je peux vous affirmer qu'il disait vrai. J'ai compris tout le long l'Azri (l'Azerbaïdjanais). Là, pour une minute, je me suis trouvée cool de pouvoir comprendre ça.  Mais bon, après je me suis dit que j'avais pas rapport avec ma fierté bidon. Une langue, c'est une langue. C'est juste de la communication. C'est de la mathématique avec une touche d'influence contextuelle... Moins qu'on pourrait le penser, d'ailleurs.

Endam, la nièce d'Alper, a 13 ans. Je la connais depuis septembre. Hier après-midi, bien avant le concours de l'Eurovision, Özlem travaillait et Alper et Cihan voulaient aller en ville dans un salon de Playstation. Je lui dis que je reste ici, mais il craint que je ne m'emmerde royalement. C'est mal me connaître, mais bon...   Vingt minutes après son départ, ça sonne à la porte. Mon coeur passe à un battement près de s'arrêter. Je me dis: "J'espère que je sais c'est qui parce que sinon, avec mon turc de merde, j'ai pas fini de ramer". J'ouvre. C'est Endam. Il m'avait envoyé Endam pour passer l'après-midi avec moi. Elle était ma gardienne, en quelque sorte. Pas évident, par contre, de rester avec une jeune fille de 13 ans qui ne parle pas anglais. Mais ça s'est bien passé, car elle a bon coeur et elle est simple. On a donc écouté de la musique. Elle m'a fait jouer ses favoris: Justin Bieber, Demi Lovato, Michel Telo et Selena Gómez, et tiens, du Adele, pourquoi pas ! :) On a revisé sa pièce de théâtre ensemble, car elle a sa première représentation mercredi soir. On a regardé des revues.

Aujourd'hui, dimanche, c'est un tout autre jour. Nous sommes allées au Lac Poyrazlar pour faire un pique-nice de fin d'après-midi. Il faisait beau soleil, ce n'était pas trop chaud, et ici, en Turquie, les familles sont très unies, en général, et aiment passer du temps ensemble la fin de semaine. Les rives du lac étaient truffées de familles qui bouffaient au grand air. On riait, Özlem et moi, car on disait qu'Alper pouvait remplacer Charlie dans "Charlie et ses drôles de dames". On était cinq fille de 13 à 39 ans... et Alper. De la moins âgée à la plus âgée, il y avait Endam ,13 ans (la nièce d'Alper, fille de Meryem), Tügçe, 20 ans, (la soeur d'Endam), Özlem, moi, et finalement Gaye, la soeur de Alper, 39 ans. Ici, c'est la tante et l'oncle qui trainent les nièces. La maman des jeunes filles n'était pas là. Alper, dans le fond, est un jeune oncle. Il n'a que 29 ans. Les petites de Meryem le considèrent comme leur frère, carrément. Et lui s'en occupe beaucoup, surtout que Meryem, comme Gaye, est divorcée et le père est absent. Alper s'est donné un rôle. Il va au docteur avec les filles, il leur donne des lifts, il les chicane, il les caline comme des gamines, même si elles ne le sont plus vraiment. Et elles adorent carrément leur oncle. C'est un "mononcle à la page", Alper. Il l'a, l'affaire.
Bref, pour en revenir à notre escapade au lac, on aurait dit un sultan qui trainait son harem en vacances. La petite Ford Escort était chargée au max: quatre femelles en arrière, une des nièces en avant, et Alper qui chauffait. Un stuck à barbecue complet dans la valise (bouilloire, plaques à griller, bois pour faire un feu, les ustensiles, les verres, la viande, la liqueur, les jeux de société, etc.) On faisait une cute petite famille typique. Même moi dans le lot, j'avais l'air d'être de leur famille. D'ailleurs, même les nièces m'appellent Marie abla. Ça veut dire : Grande soeur Marie. C'est un signe de respect, et habituellement, c'est réservé à la famille. Je suis donc de la famille. :) Trop cool !

Au lac, c'était rempli de familles qui faisaient comme nous. Tout le monde grillait du poulet, de la saucisse à l'ail, préparait des salades, dégorgeait des aubergines sur le grill pour faire de l'aubergine à l'ail et au yogourt. Ça sentait très bon partout. Des oies erraient à à recherche d'un bout de pain. Des gens se promenaient en pédalo sur le lac. Ça jouait au frisbee. Nous, on jouait au okey. Les pique-niques, c'est partout pareil ! Qu'on soit à Central Park, au Parc Beauséjour ou au Lac Poyrazlar, on ne réinvente pas la roue. 
Je trouve amusant de voir des femmes voilées... avec un pantalon sport adidas faire du pédalo avec leurs petites filles. On ne s'attend pas trop à ça, quand on pense "femmes voilées", du moins pour une fille comme moi qui n'en a pas vraiment plusieurs sous le nez à l'année longue. Assez cool comme image de femme voilée. 


Ce fut une belle journée ! Comme d'habitude.

Je vous laisse avec quelques photos. Je ne suis pas dans le "très touristique", pour le moment. Je prends peu de photos, et c'est surtout des photos qui me parlent personnellement. Si vous les trouvez ennuyantes, je m'en excuse d'avance !  Elles ne sont pas dans l'ordre, c'est un "melting pot".


Bonne semaine à ceux qui bossent !
Bises xxxxx...

 Mosquée du quartier d'Özlem et Alper. Elle est bâtie sur un mini centre d'achat.

 Oie au Lac Poyrazlar

 Özlem (missed), moi, Gaye (But/Goal) et Endam (stature). Dans les parenthèses, c'est la traduction de leur prénom.
De la crème glacée biologique ??? Possible... mais j'en doute.

  Est-ce que ça pense, une oie ? Celle-çi semble en pleine réflexion.


Özlem et moi, au Lac

 Nurdan et moi, à sa soirée de Henné, dans un de ses quatre costumes traditionnels

 Superbe journée à errer à Sakarya. Les nuages sont magnifiques !

 Un couple ??? :)

 Une rose rouge flamboyante! C'est le temps des fleurs !

Tuğçe (20 ans), Endam (13 ans) et leur tante Gaye 

 Nurdan, belle comme un coeur à sa soirée de Henné

 Ce qui pend au miroir de la Ford d'Alper: Une protection contre le mauvais oeil, évidemment !

 La nièce et la tante en train de préparer le jeu de okey

 Mon amie Emel, posant dans les confortables fauteuils de la nouvelle école
de mon ami Emre: Gotta Talk!

Deux petites filles allergiques au soleil. La maman m'a donné la permission de les poser, car je les trouvais absolument originales, les cocottes !

 Soirée "Glamour" à Erenler, pour la nuit de Henné

 Nurdan, resplandissante à sa soirée de Henné, dans un autre costume

Non, mais des tomates rouges de même, je croyais pas que ça existait !!
 Pis elles goûtent exactement ce dont elles ont l'air. 

 Vous voulez de l'huile d'olive ? Quelle sorte ?

 La nature, telle que je l'aime... et un ballon perdu !

 Tsé, y'existe pas juste une sorte d'olive noire...
Y'en a vraiment beaucoup... Pis ici, ça se vend au kilo !

On est dans un pays où ça mange encore des fruits.
Résultat: les présentoires débordent ! C'est absolument délirant pour les sens!


 Mélanie, y'a pas juste toi qui capote sur les oies quand t'es en vacances ! Moi aussi !

 Les deux nièces sur le quai. Je les trouve superbes.

"Oui, je sais starter un feu"

Cadeau reçu à la soirée de Henné. Ce sont des noix et autres graines séchées.
Ici, ça remplace les chips, qui sont bien moins populairesque le maïs séché et les
graines de tournesol, véritables institutions des snacks de fin de soirée !

 Non mais quel contraste : Le foulard mais les chaussures décadantes avec la pédicure française !

 Özlem, qui prépare un "gözleme", un feuilleté de filo farcie au fromage, dans le p'tit resto de Gaye.


Une mosquée près du Ilahiyat Fakültesi.
Scène de la vie quotidienne avec la corde à linge juste à côté.