vendredi 20 septembre 2013

Van et ses environs... et la frénésie de réaliser un rêve

Je suis arrivée à Van hier en après-midi.
La journée d'hier en était une de voyageage. Ça prend cela parfois.
Je me suis levée tôt, car personne à Hasankeyf ne pouvait me confirmer à quelle heure était l'autobus (ou les autobus) pour Van. Si je l'avais manqué, j'aurais dû retourner à Diyarbakir pour ensuite faire 7 heures de route vers Van. Pas commode. Donc je me suis organisée pour ne pas rater le transport disponible.

Osman m'avait donné rendez-vous au café devant le pont. Il allait héler l'autobus à son passage, car il n'y a pas de station de bus à Hasankeyf.
Avant, j'avais pris un petit déjeuner délicieux à ma petite pension, dont un fromage aux herbes absolument épatant.
Au café, un monsieur kurde a commencé à me compter sa vie en kurde, et outre chowany (how are you) et bachim (I am fine), je n'y comprends que dalle. Mais pas grave, j'ai gardé le sourire. Le monsieur s'est levé et est revenu avec une bouteille d'eau, des biscuits et deux petits jus de cerises... Pour la route. J'en reviens toujours pas de voir comme ces gens sont gentils et attentifs. Mon sourire a porté fruit, on dirait.

Osman connait son affaire. Il m'a fait remonter la rue avec lui jusqu'à un arrêt en haut de la côte... où un minibus pour Van attendait d'être rempli. Deux monsieurs moustachus s'en occupaient et le coût était similaire aux gros autobus... Mais le minibus (dolmus) est habituellement plus confortable et intéressant de par le simple fait que c'est très local. Je dis au chauffeur de me débarquer à Van près d'un taxi. Il me dit: "C'est quoi ton hôtel?" Je lui réponds "Büyük Asur". Il sourit et me dit: "Pas besoin de taxi, je vais te débarquer près et tu iras à pieds. Très facile"... Encore mieux.
:)
Il me demande mon nom. Je lui dis: "Meryem". Marie, en turc. Il me fait un clin d'oeil.
On descend la côte et en bas, un autre backpacker attend. Il y en a vraiment peu. On l'embarque et, Ô! Surprise! Je vois un p'tit drapeau du Québec de brodé sur son sac. Je lui dis: "Un Québécois!" Il part à rire et se présente: Jean-Michel de Gatineau.
On prend le temps de jaser un peu, rapidement car le conducteur moustachu décide de l'asseoir dans la valise avec les bagages.
Brièvement, je vous parle de Jean-Michel. Il est arrivé le 1er septembre à Istanbul, a fait Safranbolu comme moi, Mardin au lieu de Midyat, Hasankeyf (comme moi), mais son voyage se poursuit ainsi: Van, Dogubayazit, la Géorgie, l'Arménie et l'Iran. Très très beau parcours. En plein dans mon genre.
Lorsque le dolmus stoppe pour une pause thé/pipi, une p'tite demie heure, on continue de jaser. Je lui parle de mon expérience chez les Kurdes. Il rit et me dit que pour les femmes, c'est toujours plus facile de backpacker, parce qu'on se fait inviter par les madames et protéger par les bonhommes. Enfin quelqu'un qui pense comme moi! J'ai toujours cru que c'était effectivement plus facile de voyager en tant que femme seule qu'en tant qu'homme seul. Quand il me dit cela, dès lors on en a une nouvelle preuve: Les deux chauffeurs de dolmus me demandent: "Meryem, veux-tu un thé?". Je souris et dis que oui. Le moustachu ténébreux tape sur un banc à côté de lui et je m'y installe. Jean-Michel, lui, suit. Mais personne ne s'en occupe. Puis, je commence à avoir une leçon de kurde 101. Jean-Michel rigole et me fait un signe du genre: "Je te l'avais dit! Les femmes, vous avez toute l'attention". hihihi.
Le moustachu ténébreux me pointe l'autre (le moustachu à tête grise) et me dit:" Lui c'est Jordan". Je pars à rire. Me semble, ouiiii. Jordan. Son vrai nom est Mesut. Mais tout le long du voyage, il va continuer de l'appeler Jordan, pour me faire rire. Pendant le trajet, je prends un vidéo... Le ténébreux et Jordan se mettent à faire des niaiseries lorsqu'ils s'en rendent compte: "Meryem Meryem! Photooooooooo!"
Finalement, le ténébreux me débarque à deux coins de rue de mon hôtel, que je trouve aisément, en demandant à une jeune fille dans la rue pour être certaine.

Ma chambre coûte 30$ US par nuit, mais c'est extrêmement bien pour le prix. La première vision de Van que j'ai, c'est une coût de la vie plutôt bas, un centre-ville animé et une jeunesse vibrante. Ah! Et aussi un climat semblable au Québec, mais un peu décalé. Il peut y avait des -20 en hiver, ici. Hier, il faisait 25. Agréable. Frais en soirée.
Je pars au centre-ville pour découvrir un peu. Je soupe, premièrement. Je demande un pide (une sorte de pizza turque) et un cola. On m'amène une soupe (qui doit être incluse) et une salade. Je goûte la soupe... Wow! Bizarroïde au max! Une soupe blanche à l'orge, à la menthe et aux cornichons marinés au vinaigre, avec une touche de citron en fond de bouche. La première bouchée est une découverte en soi, mais c'est finalement plutôt harmonieux et bon. Je la mange. Puis mon pide arrive. Et on me sert du thé. Et encore du thé, et du thé... Et des bonbons. On tente de jaser avec moi. L'accent est difficile à comprendre, pour moi. Le turc est après tout leur deuxième langue, le kurde étant la première. Mais je m'y fais. Et à la fin, il est écrit 0 TL (livre turque) sur ma facture. Je questionne. On me dit que je suis une "misafir". Une invitée.
Ahhhh le charme féminin! hihihi Jean-Michel, tu avais tellement raison! :)

Ce matin, j'avais un guide, Remzi, qui m'attendait à 8h30 dans le hall. Je l'avais engagé via une agence de trekking turque appelée Tamzara, et qui opère dans toute la région. Ils font des trekkings et des visites culturelles. J'avais mon guide pour une journée, et il devait m'amener voir Hosap Castle, Çavustepe Kalesi, l'île d'Akdamar (un rêve pour moi qui se réalise), un atelier de bijoux traditionnels (à ma demande) et la forteresse de Van. Ce type d'excursion est dispendieux, parce que premièrement, je suis seule avec un guide/chauffeur pour une journée, deuxièmement, le kilométrage est élevé et troisièmement, le prix du litre d'essence est à presque 3$ en Turquie. C'est le litre le plus cher au monde, et ce, malgré une réserve de pétrole intéressante. Cependant, comme je n'ai qu'une journée, l'investissement est nécessaire pour moi. Sans quoi je ne pourrais pas tout voir ces sites en taxi ou transport en commun.
Remzi est très terre à terre. Il parle un bon anglais, mais décide de faire ça moitié en anglais, moitié en turc, à ma demande.On parle beaucoup de la très ancienne civilisation urartu, une civilisation importante pour la Mésopotamie. J'aime la façon dont l'histoire prend de l'importante pour Remzi. Il aime savoir d'où il vient et il est fier d'être Kurde.
Je vous dirais que Van est fabuleuse, en général. Le lac bleu atténue l'effet cloisonnant des hautes montagnes. Certains sommets de la région on plus de 5500 mètres. Aussi, le lac lui-même est à 1760 m d'altitude. Je comprends pourquoi j'ai de la misère à respirer avec ma sinusite chronique, mon surplus de poids et mes jambes déjà fatiguées de treks des trois derniers jours. L'altitude fait que je cherche mon oxygène, par la bouche. Machu Pichu étant à 2 400 m, je vous dirais que je ne suis pas beaucoup en dessous, lorsque j'atteins le top d'une colline, ici. Mais je l'ai fait. Sans chigner, plusieurs fois ces derniers jours. La vue est si belle de là-haut!
On ne parle pas de l'Arménie ici. Le sujet est tabou. On sait qu'il y a eu un génocide arménien, mais personne n'en parle. Je demande si beaucoup d'Arméniens restent en Turquie. On me dit que oui, beaucoup. Je n'en ai vu aucun jusqu'à maintenant, mais la région est vaste. Je sais que plusieurs touristes arméniens viennent au pays. Mais le génocide? J'ai tenté de googler le tout et c'est censuré.  Même un Turc de bonne fois et intéressé à savoir ne pourrait pas trouver d'info aisément. C'est comme ça. La censure est très présente ici. On sait ce que le gouvernement veuille qu'on sache. Et présentement, on veut qu'on sache qu'en Égypte c'était un coup d'État. Et que la vasectomie n'existe pas. 
On voit les montagnes qui séparent la Turquie de l'Iran. C'est environ à 20 km de mon premier site. Ça me fait sourire parce que lorsque j'avais douze ans, j'ai lu "Jamais sans ma fille", et c'est par ces montagnes que Betty et Mathob ont réussies à fuir, avec des passeurs kurdes, justement. Et c'est à Van qu'elles ont pris l'autobus pour Ankara. C'est la première fois que j'ai entendu parler des Kurdes et de Van. Et comme moi, Betty avait trouvé les Kurdes aidants et attentionnés. Je suis donc au même endroit qu'elle à contempler sa montagne de la liberté. Et je me sens tout à coup projetée dans le livre de mon enfance, qui m'avait tant marqué et m'avait mis en contact pour la première fois avec l'Islam.
Puis, en vieillissant, je m'étais dit que je viendrais ici, pour aller sur l'île d'Akdamar, et contempler le Mont Ararat, le mont sur lequel l'arche de Noé s'arrêta. J'ai pu voir le Mont Ararat, aujourd'hui, mais je n'aurai malheureusement pas ma photo, car il était dans la brûme, au loin, perdu dans les nuages. Pas grave. Il était là, je l'ai senti. Et un jour je reviendrai en faire le trekking. L'île d'Akdamar, c'est fait. Check. Un rêve de plus de réalisé. Sur cette île se trouve une église arménienne unique en son genre. Elle est tout simplement fabuleuse. À l'intérieur, des fresques en très bon état. Sur ses parois extérieurs, une ligne de la vie, des végétaux, des animaux, David et Goliath... C'est magnifique. Le tout, planté dans un décor à couper le souffle, au milieu du beau lac bleu. Il y a des amandiers partout. On peut cueillir les amandes et les manger fraîches. J'ai compris aujourd'hui d'où vient le goût sucré de l'amande, celui des pâtisseries. C'est celui de l'amande fraîche, pas encore séchée. Croquer une amande fraîche, c'est presque comme croquer un croissant aux amandes.
Après l'île, nous Remzi et moi avons mangé les sardines du lac, grillées sur le charbon de bois. Miam que c'était bon. La peau était croustillante à souhait.
Quand je pense que Van a subi un terrible tremblement de terre il y a deux ans. 700 morts. Des tas d'édifices détruits. Je me dis que je pourrais vivre cela, aujourd'hui, en ce moment. C'est très très sismique, ce secteur. Comme pratiquement toute la Turquie et l'Iran. On ne peut pas tout avoir, que voulez-vous. Ils ont les montagnes, mais celles-ci viennent avec une faille majeure sous terre.
À , il y a aussi des chats uniques, blancs avec un oeil d'une couleur et un oeil de l'autre. Mais ces chats valent si chers qu'ils sont enfermés, car il existe un trafic de ces chats vers l'Amérique. Des Riches en veulent absolument, donc les chats de Van sont souvent volés. Je n'ai pas pu en voir un.

Et dorénavant, quand je penserai à Van... je penserai au magasinage!
J'adore le magasinage ici, car il n'y a presque pas de touristes! C'est donc assez abordable, même pour des trucs chers comme des bijoux...
Donc oui, je m'en suis achetée. Et du linge. Parce qu'il y a des ventes. C'est terrible, une robe à 6$. Un top à 9$. Je capote. J'suis en train de virer sur le top. C'est tellement fait pour les femmes accro du magasinage, iciiiii! Je vais tenter de me calmer le pompom, parce que j'ai encore trois jours à Istanbul avant de m'envoler et trois jours, ça peut être carrément dévastateur pour quelqu'un comme moi qui voit de l'opportunité d'acheter partout. J'ai déjà deux paires de souliers en plus qu'à mon départ. Ça veut dire que j'en ramène cinq paires dans un sac à dos. Donc une paire de talons très très hauts, en velours cerise avec une bordure or. Trop mon genre.

Ok. J'ai réalisé un rêve aujourd'hui. Connaître Van. C'était sur ma "Bucket List". Je pense que parfois on doit foncer droit devant et oser la frénésie.

Bon. Bon. Bon.
Vous voulez des photos?

Tamam. Je vous donne quelques unes.

 Belle vue pour un pique-nique à Hosap Castle

 Hosap

 Hosap 

 La palissade et le village en bas

 L'Iran est par là,tout au bout

Vue sur la plaine entre les montagnes, depuis Çavustepe

 Çavustepe

 Çavustepe

 Çavustepe





Çavustepe

 Lac de Van (et le Mont Ararat dans la brume)

 Lac de Van

 Lac de Van

 Ile d'Akdamar et son église arménienne

 Plage sur l'île d'Akdamar

Ile d'Akdamar


 Spectaculaire fresque des douze apôtres, Ile d'Akdamar

 Ile d'Akdamar

 Ile d'Akdamar

 Ile d'Akdamar

 Représentation de David et Goliath sur la façade de l'église arménienne





Ile d'Akdamar

 Comme une carte postale 

 Petite pause pour admirer la vue

 Le soleil se prépare à se coucher (vu depuis la forteresse de Van)

 Forteresse de Van

 Cliché de Van croqué en montant vers la forteresse




L'Iran est de l'autre côté de la montagne

 Mon lahmacun spécial de plus d'un mètre de long! 

 Iran par là... Je trouve ça tellement bizarre de voir ces panneaux

Moi à Hosap

 Hosap depuis la route, à plus de 2000 m.

 Village vu depuis Hosap

La preuve que j'y étais lol

mercredi 18 septembre 2013

Bonjour Hasankeyf, adieu Hasankeyf

J'ai mal à l'âme ce soir.
J'ai le coeur gros.
Je vous explique plus loin.

Ce matin, j'ai pris un dolmus pour Hasankeyf, une petite ville de 3000 habitants à 40 minutes de Midyat par voiture. J'avais réservé une nuit dans un des deux endroits possibles (j'ai opté pour celui avec des toilettes privées et de l'eau chaude, hihihi).
Le dolmus m'a laissé sur la rue principale. J'ai donné le nom de mon hôtel à un monsieur assis dehors et il m'a indiqué de tourner à droite sur la prochaine rue et de continuer tout droit.
Fafa.
J'ai trouvé.
Hasbahçe Hasankeyf oteli.
J'entre dans la cour. Il y a des poulets, une dinde, des lapins, des chats, un chien, des canards... tout ça librement. lol
Ça commence bien. J'entends du bruit au loin et là, je m'approche... et j'arrive en plein petit déjeuner familial. Y'a des enfants qui courent partout, y'a un monsieur géant aux cheveux longs et frisés, des femmes voilées. Dans le fond, une table de bizarroïdes. Un paquet de Hollandais vivant ici à temps partiel, un Américain de l'Arkansas parlant le turc couramment et un hippie arabe. Ça jase gaiement. Une Japonaise archéologue arrive presque en même temps et laisse simplement sa valise.
Je me présente. Ils savaient que j'arrivais aujourd'hui. On m'assoit à leur table, on me dit de déjeuner avec eux. Il y des figues confites délicieuses. La maman me dit les avoir fait elle-même. Miam. Et le fromage aussi. On me sert du thé.
Ça ne ressemble pas à un hôtel. Ça ressemble à une grande commune. Ou un kiboutz. Je ne sais trop. Mais j'aime. lol
Il y de gros bassins dans le fond. Le monsieur me dit que ce sont des truites d'élevage.  Assez coloré comme endroit.
La chambre...OMG! C'est un petit appartement avec réfri, cuisinette, des couvres-lits achetés au marché, fer à repasser, vaisselle, table... C'est rustique mais très pratique. Je me rends compte que plusieurs archéologues vivent ici à temps partiel. Hasankeyf, c'est une ville remplie de trésors. C'est un joyau en soi.

Alors pourquoi suis-je triste ?
Parce qu'Hasankeyf va mourir.
Un gros barrage sera construit dans deux ans. Le Tigre sera détourné et tout le village sera inondé. Le projet avait été annulé lorsque les banques allemandes et suisses qui le finançait s'étaient retirées, il y a quelques années, suite à de trop fortes vagues dans l'opinion publique. Cependant, le gouvernement turc a décidé d'aller de l'avant seul et a trouvé du financement interne, de deux banques, principalement. Un nouveau village est en construction sur la montagne... Un village en béton, sans arbres, sans terrasses. Et surtout, un village sans terres arables. La vallée est présentement terriblement fertile. Hasankeyf est agricole, à la base, et des tas de bergers y vivent aussi. Ces bergers et agriculteurs perdront leur gagne-pain, car impossible de faire cela sur la montagne, qui n'est pas verte du tout. On est dans des montagnes caillouteuses, rocheuses, arides. La plaine, elle, verdoie, car le Tigre y passe. Ce même Tigre qui se rend jusqu'en Irak et qui se transforme en Chat'al'arab, au Sud. Si je me laisse descendre un peu, bien calée dans une bouée, je me retrouve en Irak.
La ville comptait 5000 habitants, avant. Mais plus de 2000 sont partis. Ils ne veulent plus vivre comme ça, dans l'incertitude. Les autres pleurent leur future perte. Dès que je passe, on me lance un bonjour, bienvenue, et ensuite on me dit que tout ça va disparaitre. Personne ne demande d'argent. Ils veulent qu'on en parle. Alors j'en parle.
On va exproprier ces gens. Mais en plus, les nouvelles maisons en béton son plus chères. Les habitants devront payer une balance qu'ils n'ont pas pour y vivre. C'est inacceptable.
J'ai rencontré un jeune guide sur le pont moderne, pendant que je prenais des photos. Il s'appelle Osman. Je l'ai engagé pour la journée, car je ne savais pas par où commencer ma visite, et son tarif était ma foi, assez déstabilisant tant il était raisonnable. C'est qu'il n'y a plus de touristes ici. Les gens passent rapidement pour une photo sur le pont, et puis s'en vont. Parce que tout est en train de fermer, voilà pourquoi.
Moi, j'ai un coup de coeur absolu pour cette merveille de ville. Je ne peux même pas vous le décrire, car c'est du domaine du ressenti.
Osman m'a fait faire beaucoup de choses. Il m'a entre autre fait faire du trekking. On est au gros soleil icitte, là! J'ai manqué crever. J'suis grosse, moi! J'suis grosse et pas en forme. Et en plus, je brûle au soleil. Résultat, mon t-shirt blanc était devenu transparent de sueur et j'ai la face et les bras encore plus "farmer" qu'avant. Superbe. Chic à souhait. Mais quelle vue! Wow! Dire que tout ça va être submergé! Un vrai sacrilège. Le canyon est sublime, très escarpé. Et des maisons de troglodytes se trouvent partout. Peu importe où notre regard se pose, on trouve une maison troglodytique. Ce sont des maisons taillées dans la roche de la falaise. Certaines sont même encore habitées.
Il y a aussi une famille qui vit dans les vestiges d'un pont de pierre, le plus vieux du monde.
Osman me raconte sa vie, me parle de sa famille, il est intéressant, intelligent. Un vrai Kurde, accueillant et fier. Il me dit que si je reviens avec moi mari, qu'il pourra nous amener faire un tour en Irak, à Erbil, une belle ville kurde sécuritaire. Facile, qu'il me dit. On t'organise ça rapidement, nous les Kurdes. Et la province kurde d'Irak est loin de la guerre qui sévit.
 Il m'invite aussi chez lui pour que je vois ses albums de photos. Il m'en montre un rempli de vedettes avec qui il pose; c'est son hall des célébrités à lui. Il y a une photo avec Tarkan... prise sur le même balcon où je me trouve. lol Tarkan, la plus grande star de Turquie, que j'ai vu moi-même en show en 2011. Il était venu pour une campagne anti-barrage et avait visité les habitants, dans leur simplicité la plus authentique. Pas de flafla ici. Osman vit dans une maison typique, avec des nids d'oiseau au plafond. Il dort sur le toit pendant la saison des scorpions, car les scorpions n'aiment pas la chaleur des dessus de toits. Il ferme sa porte avec un cadenas, et non pas une serrure. C'est ça, Hasankeyf. Ce sont des gens heureux d'avoir des nids d'oiseaux au plafond de leur chambre, parce que cette chambre c'est leur souvenirs d'enfance, c'est leur zone de confort. Une maison de ce genre est pourtant confortable. On s'y sent bien. On y trouve une fraîcheur de part leur structure qui ne sera pas égalée dans la nouvelle ville de béton. Il ramasse des figues, des poires et des raisins de même que de l'eau et il me dit qu'on s'en va voir une chute. Ah ouin ??? Ouin. lol Un deuxième trekking! Nonnnnnnnn ! Il rigole de me voir souffrir. Il me prend par la main pour les coins dangereux (car ouiiii c'est l'enfer comme j'ai la trouille!) Je suis tellement rouge quand on revient en bas qu'il me prend en pitié et m'invite à souper avec son salaire dérisoire que je viens de lui donner. Honte à moi d'avoir accepté! J'ai l'impression d'avoir profité de lui, comme du cheap labour. Mais lui est très content de sa journée, donc ça me rassure un peu. On se dit au revoir. Il me conduira demain matin à l'autobus, qu'il faut arrêter à la sortie de la ville et payer au noir. Ça c'est du service! :)

La Cour suprême de Turquie a demandé l'arrêt des travaux du barrage, temporairement. On verra ce qui en découlera. Les gouvernements sont souvent cupides et le citoyen n'a jamais le dernier mot quand il s'agit de faire respecter ses besoins de base. Exproprier des gens et détruire des souvenirs millénaires, de l'histoire, du patrimoine, c'est aussi ça assimiler les Kurdes.

Je crois que ce bonjour Hasankeyf sera aussi mes adieux à cette ville.
Je crois qu'elle n'existera plus, quand je foulerai de nouveau les routes du Kurdistan.

Voyez par vous-mêmes:

 Le plus vieux pont de pierres du monde... sera submergé.

 Les vestiges troglodytiques seront submergés

 L'accès au canyon sera englouti.

 Ces maisons troglodytiques seront peut-être épargnées... mais pas leur accès.

 C'est d'une beauté inégalable

 Voyez de plus près...

 Osman et moi en contemplation

 J'ai suivi la trail des chèvres pour monter là-haut. La piste sera engloutie.

 Vue sur le château

 Maison troglodytique habitée

 Ceci n'existera plus

 Cette vue sublime perdue à jamais...

 du village, il ne restera que le haut de ce minaret. 

 Chez Osman, sur le même balcon que Tarkan lol

 Pause de fin de journée

 Ce quartier sera perdu dans l'eau

 Promenade animalière : un âne, trois chèvre et une vache lol

 Les terres fertiles seront sous l'eau. Les agriculteurs n'auront plus rien et devront abandonner leur métier.

 Des dindes en liberté et Osman lol

 Toute la beauté perdue sera remplacée par ce village moderne en béton, sans arbre, sans terres fertiles, sur un flanc de montagne. Horrible destin.

 Coucher de soleil

 Délicieux repas de salade à la sauce à la grenade, de lahmacun et de pide à l'agneau.

 Une belle lune bien ronde...

 Cette vache n'est pas contente...

 Vie de quartier... qui sera anéantie.

 Moi, les cheveux au vent devant les maisons troglodytiques... et un début de coup de soleil infernal

Feu Hasankeyf. Tout cela ne sera plus.